FESTIVAL – Le Festival de musique du Haut-Jura propose un réveil tout en douceur au milieu des œuvres et de l’histoire centenaire du beau Musée de l’Abbaye de Saint-Claude. Un moment aussi convivial qu’intime et charmant en compagnie des musiciens ayant offert les concerts de la veille.
Le Musée de l’Abbaye de Saint-Claude accueille cette année encore le Festival de musique du Haut-Jura pour une rencontre musicale unique avec les artistes s’étant produits lors de concerts programmés la veille. En ce dimanche matin, après un petit-déjeuner convivial dans le pavillon de la terrasse qui surplombe la vallée du Tacon, le public s’installe dans une des salles du musée, au milieu d’œuvres issues des donations de Guy Bardone et de Renée Genis.
L’Europe baroque…
Dans cette salle de musée intime et lumineuse, le clavecin de Laurent Stewart est mis en valeur telle une véritable œuvre de la collection. Présenté par le musicien, le programme est composé expressément en adéquation avec la facture d’inspiration italienne de son instrument au timbre clair et très distinct, offrant des polyphonies particulièrement équilibrées. Comme la veille lors de son concert avec Les Traversées baroques, il invite ainsi au voyage à travers l’Europe, passant de Fantaisies de l’anglais Orlando Gibbons à l’Allemagne avec le Prelude, Fugue & Postlude en sol mineur de Georg Boehm, en passant par la Suite en fa majeur du français Louis Couperin (tonton de François, ndlr).
L’acoustique de la salle permet d’apprécier l’instrument comme dans l’intimité d’un salon, tout autant que le jeu du claveciniste, très précis dans la douceur et très élégant dans ses ornements. À l’inverse du piano, le clavier du clavecin permet de jouer avec la résonnance grâce au lever des doigts, ce que maîtrise parfaitement Laurent Stewart. S’il ne se permet aucune exubérance d’interprétation, pouvant néanmoins sans doute se permettre quelques audaces pour convaincre encore davantage certains mélomanes, il est très agréable de pouvoir admirer ses mains caresser du bout des doigts les touches de son clavier avec assurance et netteté. Agilité et prestance : deux qualités qui emballent le public, qui en redemande. Il aura droit à l’intéressante Passacaille en la mineur de Luigi Rossi, transcrite pour clavecin.
… jusqu’à l’Europe médiévale
Le public est ensuite invité à descendre dans le sous-sol archéologique du musée où se cachent les beaux vestiges de l’ancienne abbaye bénédictine. C’est dans le couloir étroit du cloître que les attendent les musiciens de l’ensemble Alla Francesca. Autant que le lieu est insolite et intime, l’acoustique est particulière, saisissante voire immersive. Experts dans le répertoire des trouvères du XIIe siècle, les cinq artistes partagent quelques-unes des plus belles chansons du programme du concert qu’ils ont présenté la veille sur les traces d’Aliénor d’Aquitaine, reine de France puis d’Angleterre.
Les festivaliers ont ainsi droit à redécouvrir cette musique qui les a tant envoûtés dans un contexte très différent, marquant une double expérience pour un plaisir redoublé. Prenant le temps de présenter les œuvres choisies et leurs instruments insolites – tels le crwth (prononcé crouth à l’anglaise) joué par Nolwenn Le Guern ou la harpe-psaltérion de Brigitte Lesne, Vivabiancaluna Biffi jouant de la vièle à archet –, les musiciennes animent leur accompagnement avec rythme et complicité. La voix de la chanteuse Christel Boiron est peut-être un peu moins épanouie et sûre que la veille, avec un timbre légèrement moins souple, mais toujours vive et juste. Pierre Bourhis ne perd quant à lui rien de son grain de voix affirmé et investi, offrant notamment un expressif Pax in nomine domini de Marcabru.
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Le public est encore une fois ravi de profiter d’un concert de grande qualité, avec ce sentiment d’être des priviliégiés en ces lieux aussi insolites que saisissants.