JEUNE PUBLIC – Clopin-clopant, l’ombre de Charlie Chaplin et de son personnage mythique, Charlot accompagne les chanteurs de la Maîtrise de Radio France dans Le Petit Vagabond, spectacle jeune public proposé à la Maison de la Radio ce samedi. Une invitation au voyage historique et cinématographique qui a su en ravir plus d’un.
Ce week-end, le Studio 104 s’est métamorphosé pour devenir le Petit Vagabond, un cinéma imaginaire dans lequel une horde d’enfants s’est précipitée pour découvrir le dernier Marvel, et dont elle est ressortie les yeux étincelants de chapeaux melons et de moustaches, comme un leitmotiv à jamais gravé dans son imagination.
Le roi des petites gens
« Charlot s’est encore échappé de la pellicule, mais ne vous inquiétez pas, il revient toujours, » entend-on. Dans ce conte moderne merveilleux, Jean Benguigui est Paulin, gérant d’un cinéma d’art et essai à l’agonie, et conteur de l’histoire de Chaplin par laquelle il tente, dans un geste désespéré de faire revivre tout un art. Un rôle qui sied à l’acteur français, mais qui l’a cantonné à une chaise et un pupitre qu’il n’a presque jamais quitté des yeux en une heure.
Pourtant, la mise en scène du Petit Vagabond imite l’effervescence d’un personnage auquel le spectacle rend hommage, Charlot. Les interprètes composants le chœur sont d’ailleurs vêtus de pantalons noirs et de chemises blanches, pour certains, recouvertes d’une veste sombre, rappelant la silhouette dégingandée du roi des petites gens. À la fin du spectacle, ils iront même jusqu’à chausser un chapeau melon, acte d’adhésion ultime. Scindée en deux, la scène est réservée aux deux-tiers au chœur qui en pratique tous les recoins, de ses grandes marches qui font aussi office de bancs, aux coulisses, en passant par le parterre où sont installés les spectateurs, dans un dispositif qui fait exploser le Quatrième Mur. Une transgression qui fait peut-être le succès du spectacle auprès d’un jeune public prompt à réagir à chaque aparté ou apostrophe.
Cinéma muet, musique parlante
Si la mise en scène de la Maîtrise de Radio France, dirigée par Sofi Jeannin, contient quelques ratés d’ordre scénique, c’est volontiers qu’on leur pardonne, car on n’entend jamais aucune fausse note. Les harmonies sont belles, les rythmes respectés, et on ressent un immense soin accordé aux silences et respiration importants lorsqu’on rend hommages au muet, et d’autant plus admirable lorsqu’on évalue la moyenne d’âge du chœur.
Comédiens autant que chanteurs en herbes, ils sont guidés par la direction musicale rassurante, légère, et profondément ancrée de Morgan Jourdain, habitué des chorales, qui donne également le la à un ensemble de musiciens occupant l’extrême gauche de la scène. Aux côtés du violon guilleret de Julien Kaldirimdjan, de la contrebasse rusée de Charlotte Testu et de la clarinette allègre de Nina Roueire, on retient surtout l’effort physiquement ludique de Benoît Masson et de ses percussions, qui ont su traduire en musique l’esprit absurdement léger de la silhouette chaplinesque. Venant parfaire cet ensemble musical toujours en rythme, on retient Edwin Baudo, qui, au piano, excelle dans des sonorités rappelant vaguement une tradition du ragtime typique des années 1910 et 1920. Sa maîtrise est une évidence lorsque l’on sait qu’on lui doit cette partition enjouée et nostalgique pour laquelle il a travaillé sur un livret de Thomas Abgrall.
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Pour les Kids, petits et grands
Sorte de Cinéma Paradiso musical, cette pièce se traduit comme un hommage à Charlie Chaplin autant qu’au cinéma des débuts, celui qui prenait le temps, celui qui était peut-être plus innocent, mais qui a vu naître des monuments tels que Les Temps Modernes, critique acerbe du fordisme aliénant, et Le Dictateur, caricature fondamentalement politique du IIIème Reich – deux œuvres directement citées dans la pièce. En somme, un spectacle réussi, pensé pour les petits et pour les grands, qui permet de faire découvrir aux uns ce que les autres ont peut-être oublié.