AccueilInterviewsInterviews - LyriqueJakub Jozef Orlinski : "Let's BaRock !"

Jakub Jozef Orlinski : « Let’s BaRock ! »

INTERVIEW – À l’occasion de L’Olimpiade au Théâtre des Champs-Élysées, Jakub Józef Orliński nous parle de mythes, de breakdance et de sport ainsi que de ses projets et collaborations artistiques. Son enthousiasme et affection pour le public français demeure constant. 

La saison dernière vous étiez au Théâtre des Champs-Élysées pour l’opéra mis en scène Orphée et Euridice de Gluck, à présent vous revenez pour L’Olimpiade qui est empreint de plusieurs mythes grecs. Y-a-t-il un mythe qui vous inspire particulièrement ?

J’adore le mythe d’Orphée et Eurydice, il est particulièrement proche de mon cœur et de mon esprit. Lorsque j’étudiais au lycée, j’avais un historien de l’art incroyable qui était tellement passionné. Il nous a introduit au mythe d’Orphée et Eurydice d’une telle manière que je me suis toujours intéressé à ce mythe et à la beauté de l’amour qui va jusqu’à ramener des Enfers une personne qu’on aime si fortement. L’amour qui pousse à combattre démons et furies : fascinant…

Le mythe lié à L’Olimpiade est complètement différent, et c’est tellement cool de la part du Théâtre de Champs-Elysées d’avoir programmé cet opéra de Vivaldi qui parle des Jeux Olympiques alors que les vrais jeux ont lieu à Paris bientôt. Je les félicite pour cette programmation ! C’est très amusant de voir que la scène s’étend jusqu’à la ville, car on sent partout la présence des JO, le logo, les rénovations, les stations de métro, les constructions de stades et de gradins… On est constamment dedans. C’est vraiment beau. 

Allez-vous assister aux Jeux Olympiques d’autant que vous êtes connu comme un excellent danseur de break dance et que cette catégorie fait son entrée aux JO de Paris  ? 

Non, malheureusement j’en suis très triste. Je suis en tournée du 15 juillet jusqu’au 11 août avec Il Pomo d’Oro, pour mon programme Beyond que j’ai présenté à Paris à la Philharmonie en novembre. Nous allons dans de nombreux endroits et festivals, comme à Athènes, ou aux BBC Proms, ce qui est vraiment génial mais aussi le festival d’Édimbourg, ou celui d’Innsbruck. 

Comment ressentez-vous le fait que le breakdance soit maintenant un sport olympique ?

C’est difficile à dire, dans le monde du hip-hop et du breakdance, les opinions sont partagées. Certaines personnes croient en un impact négatif sur la communauté puisque cela devient très commercial. Mais d’un autre côté, certains disent que c’est génial d’atteindre un tel statut. A présent, il y a des équipes nationales, beaucoup plus de soutien de la part du pays, des institutions et aussi des sponsors. 

C’est aussi une expérimentation car il s’agit de la première mise en place de ce système d’évaluation et d’organisation des compétitions. Ca a marché pour l’instant et nous verrons ce qui se passera aux Jeux Olympiques, si cela va attirer beaucoup de regards sur ce genre. Nous verrons, mais je suis convaincu que cela pourrait amener la discipline à un niveau encore supérieur.

Vous allez le regarder ? Et regarder d’autres épreuves aussi ?

Bien sûr ! Peut-être pas le jour même parce que j’aurai probablement un spectacle, mais oui, je vais évidemment regarder le break dance. 

J’essaie toujours de regarder lorsque les jeux sont diffusés, nous avons de très bonnes équipes en Pologne, comme l’équipe de volleyball ! On  a aussi de très bonnes coureuses, les coureuses féminines, des 100 et 400 mètres. Elles sont extrêmement douées. Je vais certainement essayer de regarder cela et nous verrons sur quoi d’autre je tomberai à la télévision.

Vous êtes un danseur de breakdance réputé et vous allez danser sur scène pour L’Olimpiade en plus de chanter. Cette pratique sportive vous aide-t-elle pour votre technique vocale ou au contraire avez-vous des difficulté à concilier ces deux passions ?

Pour moi, c’est utile, mais il faut le faire avec sagesse. Il faut savoir ce qu’on fait, et bien sûr éviter les mouvements extrêmes avant de chanter. Je fais certaines figures dans cette production : je chante deux arias très difficiles et ensuite j’ai une scène de danse, puis environ 40 minutes avant mon prochain chant qui est une aria aussi très physique. Donc, c’est faisable, mais il faut être extrêmement prudent car il est facile de forcer et de contracter les muscles, ce qui peut affecter la voix… 

C’est très difficile et nécessite beaucoup de pratique pour le faire correctement, sans fatiguer les muscles impliqués dans le chant. Si vous le faites pendant des années et que vous vous connaissez bien, c’est possible, mais tout le monde ne peut pas le faire. Et puis chacun a sa propre manière d’atteindre ses objectifs. Et j’ai trouvé la mienne, qui me convient parfaitement et qui me développe bien. Je ne sais pas si je suis un expert, mais j’ai mes méthodes pour travailler et je sais comment je fonctionne et lorsque je pousse vers la limite. J’écoute mes muscles et mon corps. 

Revenons à L’Olimpiade de Vivaldi, comment se passe cette production ?

Nous avons un casting incroyable, un super bon maestro, un très bon metteur en scène, un très bon chorégraphe, tout fonctionne ! Je viens de finir la pré-générale, pour la première fois nous avons répété le spectacle dans sa globalité, sans interruption. Je dois dire que je suis impressionné que tout marche si bien ensemble, les lumières, le décor, les costumes, les perruques, le maquillage. Tout est juste tellement pointu. Tellement bon.

Il y avait même des enfants dans le public, ce qui était fantastique. J’adore chanter devant des enfants parce qu’ils sont le plus honnête des publics. S’ils n’aiment pas, ils le montrent vraiment par des grimaces, du bruit, ça se voit sincèrement. A l’inverse si ça leur plaît, ils sont extatiques.

Quels sont vos rapports avec les autres artistes ? 

J’ai déjà travaillé avec le Maestro Spinozzi pour un concert il y a quelques années. J’étais impatient de retravailler avec lui. A mon avis, c’est un chef d’orchestre et un musicien génial dont les enregistrements de la musique de Vivaldi sont parmi les meilleurs, si belles, si colorées, avec de nombreuses nuances. Les contrastes sont incroyables et très, très beaux. 

Je viens de rencontrer Emmanuel Daumas, le metteur en scène, et Raphaëlle Delaunay, la chorégraphe. C’était super agréable de travailler avec eux car ils ont une vision claire de ce qu’ils veulent accomplir. C’est très important qu’ils sachent où ils vont, et parfois, ils expérimentent différentes approches pour voir comment vous pouvez contribuer à leur vision.

Et parmi les chanteurs, je ne connaissais que Luigi De Donato, qui chante Clistene, mon père. Pour le reste du casting, je chante avec eux pour la toute première fois. Ce sont vraiment des chanteurs incroyables, qui font leur travail à un niveau d‘excellence. D’autant plus que nous faisons beaucoup de choses sur scène, c’est un spectacle très exigeant qui est physiquement éprouvant.

© Michael Sharkey
Dans l’histoire, le gymnase est situé aux Champs-Elysées. Et vous venez au Théâtre des Champs-Elysées presque chaque année.

Oui je viens chaque année, j’adore ce théâtre. C’est super de faire des opéras mais je fais aussi des concerts ici avec Il Pomo d’Oro, avec Il Giardino d’Amore, et avec d’autres groupes. C’est super de revenir ici et de se sentir à la maison. Toute l’équipe, l’administration, mais aussi tous les techniciens, tout le monde est tellement gentil et encourageant. C’est agréable de travailler dans un théâtre où vous pouvez sentir que tout le monde se soucie pour obtenir le meilleur. 

Quelle est votre relation avec le public français ?

J’aime vraiment chanter en France. Je pense que c’est surtout parce que les Français aiment la musique. Grâce à Philippe Jaroussky, qui a ouvert les portes aux autres contre-ténors, l’accueil est plus facile. Lors de mon premier concert à Paris en 2018 à la Salle Gaveau, le spectacle était complet, c’était tellement électrisant que j’étais comme « wow, c’est fou ! » Depuis ce temps-là, je me suis produit en France des centaines de fois, j’ai même été dans plus d’endroits en France qu’en Pologne. Les Français aiment et mes spectacles sont toujours complets, c’est tellement agréable. 

En France, vous avez effectivement un statut de star. Comment vous sentez-vous à ce sujet ? Est-ce une pression ?

Je ne suis pas une superstar, mais c’est très agréable que les gens apprécient ce que je fais, particulièrement, parce que j’y mets tout mon cœur. J’aime partager ce que j’aime, mes interprétations, mes sentiments. Je veux évoquer des émotions chez les autres. C’est donc tellement sympathique quand je chante en concert avec Michal Biel au piano, comme nous l’avons fait à la Sainte-Chapelle il y a quelques jours. Dans un endroit aussi magnifique, avec ces reliques sacrées juste derrière nous, tous les vitraux, c’était tout simplement incroyable, presque spirituel, même si nous n’avons pas chanté de musique sacrée. Je me sens complètement immergé dans cette ambiance, et je suis très heureux quand les gens parviennent à partager cette expérience, quand ils viennent me rejoindre dans cette bulle. C’est d’autant plus beau lorsque la salle est pleine…

Vous parlez de transmettre des émotions, quelles sont les émotions que vous préférez interpréter  ?

Je n’en ai pas vraiment. Ce que j’aime particulièrement dans la musique baroque, c’est que lorsque vous jouez un personnage comme ici dans L’Olimpiade où vous devez tout avoir. Vous ne pouvez pas seulement chanter vite, lentement, fort ou doucement. Par exemple, l’aria « Cara sposa » dans Rinaldo est un défi immense : pendant neuf minutes, il faut interpréter une seule phrase avec une gamme complète d’émotions et captiver l’auditoire. C’est un aria où Rinaldo perd sa bien-aimée Almirena à cause de la sorcière et pendant neuf minutes il chante littéralement une phrase, « Cara sposa ». Vous devez mettre dans cette phrase unique tellement d’émotions différentes, de nuances, parce que cela ne peut pas être seulement neuf minutes de lamentation, ce qui serait ennuyant. Même dans les arias rapides, il faut trouver des nuances subtiles, car simplement exprimer la colère pendant trois minutes peut devenir ennuyeux. Le véritable défi réside dans la diversité des nuances émotionnelles qui rendent l’interprétation fascinante et captivante. C’est là tout le défi et le plaisir ! 

Vous nous avez déjà un peu parlé de vos prochains projets, avez-vous un prochain rêve ?

Je suis en train de réaliser mon rêve cet été parce que j’ai toujours voulu faire les BBC Proms. Et en plus, j’y chanterai mon projet Beyond, qui est l’un de mes derniers albums, dont je suis très, très fier ! C’est une grande réalisation d’avoir votre propre projet avec votre orchestre jouer pour ce spectacle si réputé dans ce lieu immense. J’espère que les gens viendront et qu’ils apprécieront. 

Cette tournée est une expérience incroyablement pour moi. À Athènes, nous allons jouer dans l’Amphithéâtre avec une vue imprenable sur le Parthénon, ce qui est époustouflant. Ensuite, le Festival d’Édimbourg, qui est également très renommé est une opportunité extraordinaire. Je suis extrêmement fier de ce projet Beyond et reconnaissant envers toutes les personnes impliquées. C’est vraiment génial !

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Que préférez-vous dans ce projet ?

La musique est super belle. Mais ce n’est pas seulement un concert des premiers temps de musique baroque, c’est tout un spectacle avec une histoire qui continue, comme un petit opéra d’une heure et demie. Nous avons créé des costumes, réfléchi les lumières et tout le monde est tellement impliqué, y compris les musiciens. J’adore simplement le jouer, cela signifie incarner trois personnages différents au cours d’un même concert. Une fois que nous sommes sur scène, je ne la quitte jamais. Tout tourne autour de la musique et ces émotions très profondes, c’est pourquoi j’adore le présenter. 

Quel est votre projet suivant ?

Le prochain projet vraiment en cours est un nouvel album avec Aleksander Debicz qui sort aux environs du 20 septembre. Nous avons une grande tournée qui débute à Amsterdam au Concertgebouw, puis à la Philharmonie de Berlin, suivie de neuf représentations en Pologne dans des salles prestigieuses comme le NOSPR à Katowice et la belle salle NFM. Nous passerons par Szczecin, Gdańsk, Varsovie, Łódź, bref partout. C’est très enthousiasmant car ce projet totalement nouveau par rapport à tout ce que j’ai produit jusqu’à présent. L’année prochaine, nous serons à Paris avec ce programme, et je suis curieux de voir la réaction du public parisien. Alors, #LetsBaRock.

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