DANSE – Le Festival Montpellier Danse se tient chaque été depuis 1981. Le dernier weekend de la 44ème édition offre un beau programme qui commence par une soirée Merce Cunningham, avec le Ballet de Lorraine. L’occasion de revenir sur la recette signature du chorégraphe, que personne n’a tenté d’égaler !
Le 5 juillet souffle un air de vacances sur la place de la Comédie où se dresse magistralement l’Opéra-Comédie, construit en 1888, quelques années après le palais Garnier. Dans ce lieu élégant se presse un public nombreux et local pour la soirée unique en l’honneur de Merce Cunningham. Ce chorégraphe américain né en 1919 est une figure majeure de la post-modern dance. Après une carrière de danseur au sein de la Martha Graham Dance Company, il propose des pièces novatrices et expérimentales. Ce soir les interprètes du ballet de Lorraine s’emparent de trois œuvres qui reflètent les principaux concepts du chorégraphe. C’est parti !
1. Musique surprise
Merce Cunningham partageait sa vie avec le compositeur John Cage, mais ce n’est pas pour autant que musique et chorégraphie allaient de pair ! En effet, elles étaient conçues séparément. Les danseurs, qui répétaient en silence, découvraient la musique que lors de la première représentation. Ce soir, ce ne sont pas les compositions de John Cage qui retentissent mais celles de John King et David Tudor. Deux musiciens sont dans la fosse : mais leur instrument n’est autre qu’un ordinateur ! Les sons rappellent parfois des disques rayés mais souvent, ils sont encore plus abstraits.
2. Travailler le hasard
Si une dizaine de danseurs est sur scène pour chaque pièce, il est extrêmement rare de les voir danser à l’unisson. L’harmonie est parfois mise à mal. En effet, le chorégraphe travaille beaucoup avec le hasard : il prépare des mouvements mais se fie aux dés ou au Yi-King (manuel divinatoire chinois) pour déterminer leur ordre, leur longueur, ou le nombre de danseurs et leur positionnement. Ainsi les mouvements sont parfois lents, parfois rapides, les groupes se font et se défont aussi vite. Quand enfin le groupe ne fait plus qu’un, le spectacle est bien plus lisible mais ce n’est pas le but du chorégraphe qui, très vite, redonne place au hasard. La troisième pièce présentée, Sounddance, créée en 1975, paraît plus facile d’accès. Notre œil s’habitue à ce style toujours nouveau et déconcertant, même cinquante après.
3. Hi-tech tonique
En plus de travailler avec un manuel chinois datant d’environ un siècle avant le début de notre ère, Merce Cunningham se confronte aussi aux nouvelles technologies : en 1993 avec sa pièce CRWDSPCR, c’est l’un des premiers artistes à utiliser un logiciel. Life forms ou Dance forms permet de créer des mouvements inédits. Si trente ans plus tard le métier de chorégraphe existe toujours c’est bien que ce logiciel n’a pas convaincu…
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4. On raconte pas d’histoire…
Merce Cunningham demande explicitement à ses danseurs de n’exprimer aucune émotion, et lui ne veut raconter aucune histoire : pari réussi, les danseurs sont aseptisés. Heureusement, le chorégraphe fait parfois appel à des collaborations artistiques, comme celle avec Andy Warhol pour Rainforest créé en 1968. Dans cette pièce on retrouve les Silver Clouds, ces oreillers argentés qui flottent dans l’espace et deviennent un terrain de jeu pour les danseurs qui explorent la scène encombrée de ces éléments mouvants.
5. Plein la vue
Un dernier dénominateur commun à ces trois pièces est le costume : des académiques (combinaison) unisexe et des danseurs pieds nus. Pour la danse : les mouvements mettent l’accent sur le travail des lignes et des angles. Il y a beaucoup d’équilibres périlleux et de nombreuses figures en poids/contre poids.
Et voilà, vous connaissez la recette ! Nous, on l’a révisé ce soir à Montpellier, avec ce programme parfait pour découvrir ou redécouvrir Merce Cunningham, chorégraphe novateur parfaitement servi par le ballet de Lorraine.