FESTIVAL – Pour la deuxième et dernière programmation signée Hervé Niquet, le Festival de Saintes continue d’inviter les ensembles qui comptent pour ses concerts du soir. Dernier en date, le 15 juillet : le très démocratique Escadron Volant de la Reine, qui attaque le répertoire des cantates de la dynastie Bach en effectif réduit, et sans chef ! Tout rapprochement avec l’actualité récente est purement fortuit…
Une scène à 13… Si on se réfère à l’iconographie biblique, en général ça n’annonce rien de bon ! Surtout quand le répertoire sacrément orienté penche vers les cantates protestantes allemandes. 9 musiciens et musiciennes, 4 chanteurs et chanteuses : l’Escadron Volant de la Reine navigue en formation rapprochée avec un objectif en ligne de mire : la musique de la dynastie Bach, depuis les glorieux ancêtres (Johann Christoph et Johan Michael) jusqu’au plus génial de ses rejetons (Jean-Sébastien of course), en passant par le cousin (Johan Bernhard). Dans la famille Bach, je voudrais…
Escadron sans chef
13 artistes pour jouer cette musique, c’est peu ! Orchestre réduit à un par pupitre, et chœur dans son plus simple appareil, à un par voix. 9+13 : vous aviez déjà bien compté, ça nous fait le tout, alors pas de place pour le personnage habituellement central d’un concert de cantates, capable de tenir les forces en présences bien ensemble, et de s’assurer qu’il n’ya pas de décalage dans les passages en fugue. Et oui, pas de chef à l’Escadron Volant de la Reine ! Cet ensemble fondé par trois copains à la sortie du conservatoire a pour but et pour méthode artistique, justement, de ne pas jouer avec chef. Un vrai défi quand, en plus, on place les voix à l’avant-scène, c’est-à-dire dos à l’orchestre. Même pas un petit rétroviseur pour voir le violon ou le clavecin : l’Escadron Volant de la Reine fait tout à l’oreille, ce qui suppose d’être sacrément musicien. En fait, quand il n’ya pas de chef, c’est qu’il n’ya QUE des chefs sur scène. Au passage, jetez donc un œil à leur présentation et à l’histoire de leur nom, c’est plutôt bien trouvé !
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Coalition à l’allemande
Et ça marche ! Alors bien sûr, comme prévu, on perd l’effet de masse d’un chœur dont les voix sont comme des parties instrumentales qui se confondent dans l’ensemble. On perd aussi le mélange des timbres qui donne cette texture uniforme ou aucune tête ne dépasse. Mais finalement on s’y fait, et ce qu’on y gagne c’est une réactivité totale des forces en présence, une responsabilité partagée entre individus qui ne s’en remettent qu’à ce qui les entoure pour mener à bien leur mandat musical. Résultat : une musique plus claire dans laquelle on entend quelques lignes saillantes, ou on reconnaît les différences, mais dont on est sûrs qu’elle est l’œuvre d’un collectif uni qui tire dans le même sens, au lieu de se tirer dans les pattes. Une esthétique qui marche très bien avec la rigueur et l’humilité des cantates protestantes à l’allemande et leur art du compromis permanent.
On en connaît qui pourraient s’en inspirer…