FESTIVAL – « Mais qu’est-ce qu’il est sympa… » la brève de concert du jour vient d’une spectatrice qui vient d’entendre Théotime Langlois de Swarte présenter le concert qui l’amène à Saintes cette année : les Concertos pour violon de Bach. Décontracté, le violoniste est sûr de son fait, sûr de sa vision, et sûr de son équipe : l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles.
L’abbaye fait le moine
On avait quitté Théotime Langlois de Swarte et l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles l’été dernier sous la pluie de Cahors, avec un brin de frustration : 8 heures de train aller-retour pour ce qui devait être un des sommets de la saison baroque… et qui s’était transformé en combat contre les éléments. Alors, quand on a appris que le Festival de Saintes proposait l’exact même concert entre les quatre murs protecteurs de son Abbaye aux Dames, on a couru. On avait une revanche à prendre.
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N’en déplaise, les lieux ça joue. L’ambiance, l’attente du public, l’inspiration des collègues qui foulent la scène : tout ça joue évidemment sur la musique qu’on joue, et qu’on entend. Et s’il y a un lieu où Bach trouve toutes les conditions réunies à faire entendre son génie à travers les siècles, c’est bien entre les murs de l’abbatiale millénaire de Saintes. Le concert du jour couronnait un début de semaine qui montait en puissance. Après l’Art de la Fugue en récital clavecin seul, après l’Escadron Volant de la Reine sur les chemins de la dynastie Bach, les Concertos pour violon avaient une place bien chauffée dans les oreilles du public.

Atout crin
Et ils se sont pas gênés pour la prendre ! Dans la vision de Théotime Langlois de Swarte et son archet agile, ces partitions composées entre Leipzig et Köthen se mettent à parler italien. À ce moment-là de sa vie, Bach se met à entendre causer d’un violoniste un peu fou qui vit à Venise, et qui se spécialise dans le panache à tout crin : Vivaldi, évidemment. La Théo-team a clairement décidé de reconstituer l’esprit des Concertos pour violon en mettant en valeur cette influence italienne. Il souffle dans les voiles de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles, caravelle lancée sur les flots d’une mer dont on ne voit que l’écume, brillant dans la lumière du soir.
Comprenez bien la métaphore : il est pas question de dire que la version des ô combien sensibles Concertos de Bach est superficielle. En fait, c’est tout le contraire. Si on distingue aussi précisément la forme des vagues qui se dessinent dans l’espace du concert, trait après trait, c’est que Théotime et son équipage ont fait un travail de fond assis sur une compréhension poussée des dynamiques, et sur une imagination sans borne. On ne s’ennuie pas une seule seconde ! Preuve que chaque phrase, chaque période de la partition passe à la moulinette de ces musiciens et musiciennes qui maîtrisent aussi bien leur instrument que leur oreille.

Son et lumière
En fait, c’est ça qui est beau dans ce concert. En italien, le mot « concerto » a un double sens : discuter, ou s’engueuler. C’est la première acception qui est choisie ici. Le concert est l’occasion pour la quinzaine de musiciens de discuter en temps réel : les cordes aigües prennent la vague du continuo, lui-même entretenu par l’intensité de jeu des copains d’en face. L’énergie circule, rebondit sur les murs et se propage jusqu’au public fasciné par le spectacle de cette entente sans cesse renouvelée. Quand elle est jouée comme ça, la musique est bien plus que du son, elle est aussi de la lumière. Alors on ressort de là les oreilles gorgées de couleurs et l’esprit léger : il y a des endroits dans ce monde où les gens savent s’écouter…