AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - LyriqueLa Clémence de Titus : Mozart versus Mozart

La Clémence de Titus : Mozart versus Mozart

FESTIVAL – La Clémence de Titus, dernier opera seria de Mozart (1791), est donné en version de concert et mise en espace, comme dernière création du Festival d’Aix, au Grand Théâtre de Provence. Il réunit une distribution d’exception, dont deux prises de rôles : Pene Pati dans le rôle-titre et Karine Deshayes, en soprano lyrique. 

La Clémence de Titus : avec un grand pouvoir…

Les duos, fondations de la partition, allument l’esprit des Lumières dans le cœur de l’Homme, dans un Amour Universel qui emporte Titus vers la Clémence, non pas celle d’un enfant qui veut être aimé de tous, mais d’un maître : celui dont la conscience a compris l’ordre harmonieux du monde. Les ensembles, construits pierre à pierre, tessiture à tessiture, personnage à personnage, dans le grand œuvre mozartien, viennent à point nommé quand le drame se noue puis se dénoue, unissant dans un corps musical commun l’ensemble des forces appelées par l’Opera Seria : à commencer par l’aplomb de leur chef de fil.

Une direction cœur à chœur

Les mains ailées de Raphaël Pichon prennent la partition à bras le chœur. Sa battue est souple, élastique, poreuse aux moindres inflexions du subtil orchestre mozartien, aux vents mêlés, encore ébranlé par la tempête du Sturm und Drang : aboutissement de l’art du compositeur dans le mariage de la voix et des instruments. Les choix de tempo sont serrés ou relâchés, dans le battement de l’action comme celui du cœur, les deux étant unis par une boucle en forme d’infini qui revient régulièrement. L’orchestre Pygmalion est un des acteurs très concrets du drame, reconstitué dans sa forme historique et plein de musiciens intelligents qui ont une conscience aigües de ce qui se joue sur la scène. On trouve dans leur jeu les mêmes oppositions que dans le livret : amour vs jalousie, vérité vs parjure, pardon vs trahison.

© Vincent Beaume

Les chœurs, se reflètent dans les eaux claires et profondes de leur double instrumental. Ils entourent Titus, formant les deux colonnes, à jardin et cour, de l’entrée du temple impérial. Ils se retournent vers le mur de fond de scène, témoins impuissants à prévenir le complot, à neutraliser les ignorants, avides et faux compagnons de l’Empereur.

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Voix par voix : duels au sommet
  • Karine Deshayes, en Vitellia, dépose sa voix impériale et longue sur des vocalises portées en étendard, comme une arme de gladiateur aux grands jeux du cirque de l’amour et du pouvoir.
  • La Servilia d’Emily Pogorelc promène son timbre d’ange, d’ombre de Pamina, dans les interstices du drame.
  • La mezzo Marianne Crebassa, en Sesto, vêtue comme un domino au dualisme entre noir et blanc, enroule ses tours de gorge au pianoforte crépitant. Son air met le personnage face à ses ombres assumées, jusqu’au bout d’un silence rompu par des applaudissements… à tout rompre.
  • La mezzo Lea Desandre, en Annio, autre rôle travesti, en costume bleu pétrole, maîtrise la voix douce qu’on lui connaît si bien, et qu’on aime aimer, partout où elle se pose.
  • Le ténor Pene Pati, en Titus, réunit, en un même souffle la responsabilité du pouvoir et la bienveillance dans son exercice, avec la diction et la projection flamboyante de celui qui doit être entendu de loin.
  • Le Publio de la basse Nahuel di Pierro amène sur le plateau son timbre de forgeron, sifflant un vent mauvais sur la braise de ses émotions impulsives, capable de polir de legato son instrument trop brut.
© Vincent Beaume

La version de concert, intemporelle, donne à la partition l’ambition universelle de Mozart à travers un Titus appelé « le plus clément des princes de la Terre ». Longue séance d’applaudissements de plus, pour la dernière création du Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence. Rideau sur 2024, année faste pour Pygmalion. Rendez-vous la saison prochaine !

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