FESTIVAL – Figure incontournable du Verbier Festival, le pianiste Evgeny Kissin est à nouveau présent pour cette édition 2024. Et il est venu faire du Kissin : jamais de grands effets de manche, et un pouvoir de fascination intact. L’efficacité à l’état pur.
Bon, d’accord, l’Euro de football est terminé, la France n’a pas encore séché ses larmes, mais puisque la planète passe désormais en mode olympique, il est toujours temps de filer la métaphore sportive. Et c’est bien ce que l’on se dit, chaque été, à l’instant de franchir les portes de la jolie station suisse de Verbier : il va y avoir du sport. Car c’est là une sacrée épreuve que de choisir, le programme en main, entre deux concerts où se produisent les meilleurs artistes du moment, cadors de leurs disciplines respectives. Mais en rentrant de randonnée, on se dit qu’il y a des choix qui s’imposent malgré tout : Evgeny Kissin est l’un d’eux.
Voilà bien longtemps que le pianiste russe a son rond de serviette, ici au pied des Alpes du Valais (il était de la première édition en 1994). Mais chacune de ses venues suscite un engouement inaltéré, et l’audience massive qui se presse dans la salle des Combins (alors que nombre de récitals de piano ont plutôt lieu à l’église) en est une preuve éclatante. Et c’est à peine, d’ailleurs, si le programme est pris en compte, à l’heure de réserver sa place. Reste que celui-ci a de quoi faire saliver d’avance, avec des noms comme des promesses d’émotions pures : Beethoven, Chopin, Brahms et Prokofiev. Un vrai all-star game…
On refait le match ?
Et, sur ces terrains de jeu qu’il connait bien, le virtuose ne tarde pas à rentrer dans le match : dès Beethoven et Chopin, tout est toucher soyeux, phrasé de poète, symbiose totale avec le clavier. Y a-t-il une occasion de mettre en valeur un thème, un motif rythmique ? L’artiste ne la manque jamais, lui qui, façon rugbymen face aux poteaux, a ses mimiques presque pavloviennes : des mouvements de mâchoire, des gestes de poignets, des étirements de doigts. C’est là une manière de toujours transformer l’essai, comme si de rien n’était, sans jamais forcer son talent, aussi sans doute car ce Brahms et ce Prokofiev, le musicien les connait depuis l’enfance. Alors, il ne s’agit que de se souvenir.
Et le public local, lui, a beau se souvenir des performances passées de l’un de ses chouchous, il en revient à être admiratif comme si c’était la première fois, face à une maîtrise si insolente du clavier, des façons si captivantes de lire ces œuvres comme des histoires, sans doute parfois un peu mécaniquement, mais avec un sens de la prosodie qui fait toujours mouche.
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Ainsi va donc Evgeny Kissin, jouant ici à domicile, et qui conclut son concert par une ultime Mazurka de Chopin : la virtuosité est son terrain de prédilection, sur lequel il joue de tête pour toujours aller droit au but. Alors, à l’an prochain pour refaire le match ?
Demandez le programme !
- L.V. Beethoven – Sonate pour piano n°27 op .90 en mi mineur
- F. Chopin – Nocturne op.48 n°2 en fa dièse mineur, Fantaisie op.49 en fa mineur
Mazurka op.67 n°4 - J. Brahms – Ballades pour piano op.10
- S. Prokofiev – Sonate pour piano n°2 op.14 en ré mineur