Festival Messiaen : longueur d’ondes

FESTIVAL – Le Festival Messiaen se fait fort, tous les étés, au pied de l’imposant massif alpin des Écrins, de mettre en valeur la musique du XXème siècle. L’occasion de découvertes parfois surprenantes, à l’image de ce concert ayant pour instrument phare…des ondes. De quoi s’assurer d’éveiller chez le public une attention magnétique, évidemment.

Ici, il faut d’abord regarder haut. Vers un pic qui, au loin, culmine à près de 4.000 mètres. Cette gymnastique du cou faite, et son souffle retrouvé (car c’est bien là un paysage à couper le souffle), il est temps d’en revenir à une autre matière d’émerveillement : la musique. Laquelle se dévoile sous un jour inédit, ici, au pied du massif de la Meije.

© Wikimedia Commons

Un jour inédit, car résolument contemporain, et propice à la découverte de répertoires restés longtemps inexplorés. Ce n‘est pas tant le cas de celui d’Olivier Messiaen, figure tutélaire de ce rendez-vous estival, dont sont jouées, pour l’un des concerts de début de festival, plusieurs pièces dont le titre dit tout de l’univers de celui qui était passionné par le chant des oiseaux : ainsi peut-on entendre La Colombe, le Merle noir, mais aussi des des Chants d’extase dans un paysage triste et une captivante Vocalise-Etude. Tout un programme, loin pourtant de constituer l’unique socle d’une représentation donnée dans la fraîcheur de l’église du village de La Grave. Car celle qui partage l’affiche de ce concert est aussi celle…qui a partagé la vie d’Olivier Messiaen durant plus de trente ans (du début des années 1960 jusqu’à la mort du compositeur en 1992) : Yvonne Loriod, née il y a cent ans tout juste. Une artiste qui fut non seulement une pianiste hors-pair, mais aussi, donc, une compositrice inspirée lors de son jeune âge, signataire d’œuvres dont le nom dit tout lui aussi de ses motifs d’inspiration : Grains de cendres et Mélopées Africaines, sont de celles-ci, annoncées en création mondiale en ce soir de concert.

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Les instruments parlent !

Et alors, le couple Messiaen-Loriod ici servi par les artistes de l’ensemble TM+, cela donne quoi ? Des sonorités surprenantes, de prime abord, qui évoquent le trouble, la tristesse, la mélancolie, tel ce Chant d’extase en effet très « Messianique » qui voit Julien Le Pape faire parler son piano comme s’il s’agissait de raconter une longue marche dans un univers incertain et semé d’embûches. Il y a bien sûr des motifs mélodiques enchanteurs, qui seraient le réveil de la canopée à la fraîcheur du matin, avant que des notes ne viennent dissoner et provoquer un changement d’ambiance, devenue soudainement bien plus grave. Inquiétante, énigmatique, l’atmosphère dégagée par le Merle Noir l’est tout autant, avec cette flûte qu’Anne-Cécile Cuniot fait comme parler : ici, des notes sèches et fortes, qui disent comme un effroi ; là, des passages plus chantants et mélodieux, évoquant l’apaisement (fut-il précaire). Si cette flûte-là est un merle, celui- ci semble embarqué dans une drôle d’affaire, en tout cas ! De Messiaen, la Vocalise- Etude offre à la soprano Angèle Chemin l’occasion d’une « petite » mise en bouche vocale, permettant déjà d’entendre un instrument robuste, avant le plat de résistance.

© Bruno Moussier

Et celui-ci a un nom, donc, Grains de Cendre. Dans son imaginaire visiblement infini, Yvonne Loriod y invite à suivre les déambulations d’une femme aux sentiments agités, qui exprime son tracas avec des jeux de mots fantaisistes, virant souvent à l’onomatopée. Un texte dont l’auditoire cherche longtemps à comprendre le sens, avant de comprendre que celui-ci était surtout à trouver dans les couleurs d’une voix aux teintes tantôt lyriques, tantôt mystiques, et toujours allégoriques pour dire l’amour, le déchirement du cœur et de l’âme, et une forme de questionnement intérieur. Puissante, large, pénétrante : la voix de la soprano est idéale pour nourrir ce mystère sur toute sa fréquence.

Car nous y voilà : le clou de ce concert (qui donne aussi à entendre la caisse claire de Florent Jodelet jouée avec la paume de main), c’est bien ce drôle d’instrument, confié à une Nathalie Forget qui l’épouse littéralement, puisque celui-ci se joue avec une bague au doigt d’une main, l’autre se trouvant sur le modulateur de fréquence. Le nom de cette curiosité : les ondes Martenot (du nom de son fondateur Maurice Martenot). Un bien drôle de clavier, dont les sonorités évoquent celles d’un humain sifflant voire d’un Duduk, instrument typique de l’Asie centrale, et dont le jeu offre donc la possibilité d’une langue nouvelle, comme celle parlée par cette jeune femme tourmentée. Bien vite, l’on entend des voix tout en ténébrosité et étrangeté, et pas seulement celle d’Angèle Chemin : celles- ci, joyeuses ou larmoyantes, émanent de ces ondes qui font parfaitement revivre l’esprit d’Yvonne Loriod, et celui d’Olivier Messiaen avec. La preuve que musique et modernité peuvent être sur la même longueur d’ondes !

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