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À La Chaise-Dieu, comme un air de vacances

FESTIVAL – À La Chaise-Dieu, la musique en villégiature : Chronique d’une invitation au voyage. 

Un itinéraire de choix, pour sûr

Le festivalier se réveille au Puy-en-Velay, à Lyon, à Paris peut-être. Il roule, plus ou moins longtemps, en direction de La Chaise-Dieu. Il fait grand beau, la région est magnifique et il se sait sur le point d’entendre beaucoup de belle musique. 

Arrivé au village, il sort un sandwich, un livre, et s’en va marcher alentour. Profite du silence et se prépare au premier concert de la journée. Aujourd’hui, il s’apprête à écouter La Cappella Mediterranea et le Chœur de chambre de Namur dans un programme mi-espagnol mi-amérique latine, le Quatuor Hermès avec du Brahms, puis l’Orchestre national de Metz Grand-Est et le Chœur de la radio flamande pour du grand Mozart. La journée s’annonce chargée.

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Détour au soleil …

En entrant dans l’abbatiale, le festivalier est accueilli par une procession polyphonique, menée par Leonardo García Alarcón, conquérant, fier (et surtout chantant !). Celui-ci, féru de jeux dramatiques, prend place sur scène et s’envole dans un programme rieur, frais, parfait pour un début d’après-midi d’août. Quito Gato dégaine sa guitare baroque, et le festivalier se dit qu’il l’aurait bien embauché pour accompagner sa balade d’il y a une heure. Sur scène, on parle d’ailleurs de pèlerins, de romarin, tambourin et autres rimes en -in. Les voilà aussitôt partis vers le soleil de Séville. Dans le thème donc ! Une nouvelle rockstar fait son apparition, Rodrigo Calveyra, absolument virtuose, aux cornets et flûte à bec. Et Alarcón, au clavecin, rebondit, toujours passionné par ses solistes, complices, parfois même hilares. Le festivalier reconnaît le ténor Valerio Contaldo, qu’il a trouvé brillant la veille au soir dans les Vêpres de Monteverdi. Plus de surprises mais toujours un délice, songe-t-il.

La Cappella Mediterranea © Bertrand Pichène – Festival de La Chaise-Dieu
… de Paris vers … l’Allemagne ?

Presque dépité que le concert s’achève, le festivalier sort. Regarde son programme, vérifie ce qui l’attend. Du Brahms, des cordes. Une heure de pause, le temps d’une glace bien sûr. 

Dans les ruelles, il croise des musiciens, en direction de l’auditorium. Se dit qu’il va les suivre. Pensif, il s’installe en salle, et se laisse emporter par les premières notes du Quatuor à cordes n⁰2 de Charlotte Sohy. Lui, ne connaissait pas la Quatuor Hermès, est bluffé par leur énergie. Et apparemment le violoniste Omer Bouchez aussi : D’entrain, son archet lui échappe. Élégamment, les trois autres l’attendent, et repartent de plus belle pour une première pièce endiablée.

Le festivalier, qui se savait difficile en cordes, est conquis. Il prend le temps d’écouter chaque instrumentiste un par un, les trouve prodigieux. Et leur son d’ensemble ! Chaque geste est infiniment précis, le son est profond, l’équilibre est parfait, les résonances riches. On ne peut qu’aimer !

Dans la salle, un « Bravo ! » fuse dès la fin du premier mouvement du Quintette de Brahms. C’est dire l’ambiance ! 

Le festivalier est au bord de son siège, dans une tension délicieuse tandis que les derniers traits d’archet dansent une polka virtuose.

Il sort de l’auditorium, et s’avance vers la place du village dominée par l’abbatiale. Et alors qu’il s’approche de celle-ci, la tête encore perdue quelque part entre Brahms et Fauré, des bribes du « Confutatis » (Requiem de Mozart) lui parviennent : les chœurs répètent, réalise-t-il, et là, sous la lumière rasante de fin d’après-midi, le festivalier se sent bien. Il se balade un peu dans le village, jette un œil à sa montre, et considère un restaurant. Trouve une terrasse, s’installe. Commande un verre de vin, un plat du jour. Il songe au concert qui l’attend, il a hâte. Et c’est d’ailleurs sous les derniers rayons du soir qu’il s’y dirige, dans une abbatiale qu’il commence à connaître par cœur. Un mot d’introduction du directeur Boris Blanco, qui égrène les concerts, puis le Cantus de Pärt, religieusement. L’ambiance est grave, le chef voûté, la tension monte. Et soudain, en parfaite antithèse, la Symphonie n⁰29 explose, rieuse, pétillante. Le chef sautille, il regarde ses premiers violons un sourire au coin des yeux. Il s’amuse. Lui aussi s’apprête à passer une bonne soirée.

Quatuor Hermès © Bertrand Pichène – Festival de La Chaise-Dieu
… Non ! L’Autriche !

David Reiland se montre ici particulièrement engagé, se plie à la nuance, l’accompagne plus qu’il ne l’impose. On lit dans son geste un profond respect pour la musique qu’il transmet. Avec une infinie délicatesse, il propose une phrase, une narration musicale mieux qu’une structure. Et dans le deuxième mouvement, à l’écriture très concertante, on le voit arbitrer un dialogue entre violons et altos, donnant réplique à l’un, à l’autre. Qu’on apprécie sa lisibilité, qu’on le trouve caricatural, peu importe, le résultat est là !

Puis, le silence se fait, le chef disparaît, un murmure un peu gêné parcourt l’assemblée… on comprend que c’est l’entracte. Le festivalier discute avec son voisin : « Étiez-vous là pour Alarcon hier ? – Quel prodige ! »

Enfin, en dernière pièce de choix du jour, l’orchestre se replace, le chœur entre, et s’installe pour le Requiem grand format. Les premières mesures de l’Introït résonnent, mais tout de suite, on déplore un déséquilibre entre le chœur et l’orchestre. Reiland diminue le volume de l’orchestre, mais redouble de vigilance. Pourtant, l’œuvre est tellement monumentale, que tout fonctionne. D’ailleurs, le festivalier est un peu désabusé : lui préfère une version plus intimiste, chambriste et contemplative du Requiem. Et sur instruments d’époque, de préférence. Mais ce n’est clairement pas l’intention ici. Instant de grâce tout de même, le chœur de femmes en délicates solistes sur le « Confutatis » (Encore lui !). Le festivalier lève les yeux, des martinets volent entre les voûtes de l’abbatiale. Quel cliché !

Il ne veut pas penser aux solistes, est déçu par Hélène Carpentier (dont il n’aime pas l’interprétation qu’il trouve hautaine). Il est cependant satisfait des hommes, souhaiterait entendre Gérard Farreras dans une autre production, lui qui se fait tonitruant en duo avec les trombones du “Tuba Mirum”. 

Puis, à nouveau, ce silence gênant. Marrant, se dit-il. Ce soir les applaudissements, c’est compliqué. Le chef gère mal la tension.

Une tentative de rappel, avortée, et l’abbatiale se vide enfin, retournant peu à peu au silence.

Le festivalier sort, il fait froid, et nuit. Il se dirige vers sa voiture. Peut-être rentrera-t-il à l’hôtel, au Puy, vers une auberge sur le plateau casadéen. Directement à Clermont-Ferrand, qui sait. Chose certaine, cependant : sa nuit sera longue. Peut-être reviendra-t-il demain.

Orchestre national de Metz et David Reiland © Vincent Jolfre

Demandez le programme :

  • Œuvres de Tomás Luis De Victoria, Gaspar Fernández, Juan De Araujo, Francisco Correa De Araujo, Mateo Romero, Mateo Flecha
  • Charlotte Sohy : Quatuor à cordes n°2, op. 33
  • Gabriel Fauré : Quatuor en mi mineur, op. 121
  • Johannes Brahms : Quintette à deux altos n°2 en sol majeur, op. 111
  • Arvo Pärt : Cantus in memoriam of Benjamin Britten
  • Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n°29 en la majeur, KV 201/186 & Requiem en ré mineur, KV 626

En écouter +

  • Schubert / Rosamunde Der Tod und das Mädchen – Quatuor Hermès, La Dolce Volta.
  • « Poétesses symphoniques » : œuvres de Bonis, Holmès, Lili Boulanger, Jolas – Orchestre national de Metz, David Reiland. La Dolce Volta.
  • Amore siciliano – Cappella Mediterranea, Leonardo García Alarcón, Ana Vieira Leite, Mariana Flores, Léo Fernique, Valerio Contaldo, Matteo Bellotto, Alpha Classics.
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