FESTIVAL – En ouverture de Mars en Baroque, en séance de rattrapage de septembre, l’Orchestre Baroque de Montauban Les Passions, sous le bec du flûtiste, directeur et fondateur Jean-Marc Andrieu, confère au concerto, forme instrumentale-reine du baroque, toutes ses couleurs sonnantes et trébuchantes.
Pure musique
Le Temple Grignan de Marseille est un oratoire sobre et élégant, à l’acoustique subtile, lieu idéal pour concerter, se rencontrer et dialoguer entre musiciens en direction du public. Ajoutant la parole au geste instrumental, les six musiciens de l’ensemble à géométrie variable Les Passions, se livrent tour à tour à une performance : présenter chaque concerto depuis le rôle important que leur instrument respectif y tient. Tous les coups sont permis : de langue, d’archet, de pulpe, de bec, voire de pied ou de genou ! Et à la fin, tout le monde a gagné, le chef un peu plus, naturellement. Ah, et les compositeurs aussi :
- Si Boismortier a pu écrire, selon ses contemporains, « trop de musique pour de l’argent, pour les amateurs », son œuvre n’en illustre pas moins à merveille le style du concerto. Plus le pouce escalade les hauteurs du manche, plus le violoncelle gagne en indépendance.
- Vivaldi entretient une véritable affinité avec le basson, dans l’écriture duquel la virtuosité du violon transparaît. Comme son collègues à cordes, il devient lui aussi un instrument-roi !
- Avec Johann Christian Bach, c’est au tour du clavecin de s’émanciper de la basse-continue, d’avoir ses petits passages à lui tout seul, et de recouvrir de nacre le grand coquillage de la scène.
- Le hautbois, quant à lui, souffre d’un complexe de supériorité, si près de la voix humaine, et nécessitant les soins constants de l’ami Telemann.
Baroque’in chair
Une incarnation dansante, chaloupée, se dégage de l’ensemble, en particulier des musiciens qui se tiennent debout, les trois dessus (flûte à bec, violon, hautbois), mais également le bassoniste, au maintien de cow-boy prêt à lancer habilement son lasso. Ils semblent tourner autour de la musique qui se dégage de leur instrument.
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Toutes les combinaisons entre les six protagonistes sont réunies à la faveur des six œuvres sélectionnées avec minutie, pour le temps de parole, de gloire et de virtuosité accordé démocratiquement à chaque candidat. Ils sont souvent itinérants, de pièce en pièce, comme pour mieux discuter entre eux, faire communiquer leurs vases sonores, en faire émerger des alliages de timbre inouïs. À chaque compositeur, son énergie, son espace et son univers sonores. À chaque musicien aussi :
- La flûte à bec de Jean-Marc Andrieu attise les braises, l’embouchure étant élégamment portée sur le bord de la lèvre inférieure, comme pour donner force et verticalité à la colonne d’air.
- La violoniste Liv Heym, aux gestes délicats, aux florilèges de rotation et d’appuis des coups d’archet, frotte ses cordes, toutes sensibles, comme de petites allumettes.
- Le hautbois de Xavier Miquel distille sa majesté dans un yoga du souffle. Expiration et surtout : inspiration !
- Le clavecin d’Yvan Garcia, dans l’œuvre qui lui est consacrée, affirme la gamme, y revient avec une insistance joyeuse, quittant ses harmonies chiffrées pour la respiration lyrique et légère du style galant.
- Le violoncelliste Étienne Mangot semble souplement dialoguer avec lui-même à la faveur de doubles cordes ou encore lutter à armes égales avec le bassoniste, quand la basse se met à dis-continuer.
- Le bassoniste Laurent Le Chenadec est aux aguets, participant à la fête des tutti et aux dentelles les plus savantes.