RÉCITAL – Qui dit septembre dit rentrée, et qui dit rentrée dit nouvelles têtes : À l’occasion du concert d’ouverture de l’académie de l’Opéra de Paris, nous découvrons la promo 2024-2025 des talents en résidence, dans un concert marquant le début de leur parcours au sein de l’institution. Et qui dit première prestation dit premier article !
Au programme ce soir, Mozart, Berlioz, Glück et Viardot. Un choix inattendu, éclectique, au moment où les espoirs se concrétisent. Voyageons alors !
Mozart, l’enfance de l’art
En guise d’introduction, une Flûte Enchantée à quatre mains, par Moeka Ueno et Antoine Dutaillis, deux des quatre pianistes sélectionnés pour cette académie. Malgré quelques sursauts dans leur doigté, c’est le pas assuré qu’ils nous emmènent dans cet univers, par la voie royale : Dies Bildnis ist bezaubernd schön, et Ach ich fühl’s, deux airs de la Flûte, qui, lorsque maîtrisés, sont gage incontestable d’un grand talent. Et fort heureusement, nous ne sommes pas déçus !
Le jeune ténor Bergsvein Toverud laisse entrevoir une rare pureté de voix, qu’on entend claire et bien placée. Le regard systématiquement levé vers ses aigus, comme en quête d’une note suspendue en l’air, il se révèle un Tamino sensible, laissant cependant transparaître un chanteur en quête d’équilibre. Mais ce n’est pas tant un défaut qu’une promesse : celle d’une voix qui, avec le temps, pourrait bien devenir l’une des plus marquantes de sa génération.
Et sa Pamina, comme en réponse, incarnée par Isobel Anthony dans un Ach ich fühl’s tendre et émouvant, ne manque pas de sincérité. Elle aussi, impressionne de promesses, tant sa voix est claire et ronde. Au sommet de la ligne mélodique, ses aigus sont lumineux et son vibrato juste, un beau fait d’arme quand on sait ô combien ces mêmes notes sont si souvent malmenées.
Viardot, au tableau !
Dans la lignée des belles surprises de la soirée, nous remarquons également Amandine Portelli, benjamine de cette Académie, qui fête d’ailleurs ses vingt-et-un ans sur scène. Avec une interprétation assurée d’un Viardot ambitieux, elle montre déjà un matériel rare, et une présence scénique naturelle. Mais c’est dans son duo avec Lisa Chaïb-Auriol, dans Vous soupirez, Madame? de Béatrice et Bénédict, que Portelli brille véritablement : les deux chanteuses offrent un beau moment d’écoute mutuelle, aux harmonies délicates et habilement nuancées, laissant de côté la démonstration vocale au profit d’une musicalité certaine.
Lisa Chaïb-Auriol, puisque nous l’évoquions, nous est présentée en Troisième Dame (La Flûte enchantée) en interprète convaincue et convaincante, à la voix puissante.
Glück, ça éduque !
Côté Glück, Sofia Anisimova propose un Orphée moins lisible, d’un beau mezzo aux vocalises précises, mais vite à court de souffle, rendant son jeu un peu saccadé, confus. Heureusement, on la retrouve plus confiante dans le tutti final, où elle brille à nouveau en un Ramiro plus habité.
Lang Wei, dans Lélio de Berlioz, semble dans un léger inconfort, livrant une prestation en demi-teinte, encore jeune. À l’inverse, Ihor Mostovoi, dans le rôle de Méphistophélès, séduit par des graves sombres et évocateurs, même si l’ensemble aurait mérité un phrasé plus lisse.
Clemens Frank propose un Papageno très scolaire, dont l’interprétation manque légèrement de relief, probablement dû au stress de la première performance de la soirée. Et en exacte antithèse, dernier solo avant le finale, Daria Akulova brille en Arminda, d’une énergie sans pareille. Très charismatique, elle sied parfaitement à son rôle, et intimide d’assurance.
Un tutti d’HPI !
Notons un certain regret dans l’orchestration de la soirée : il est plusieurs voix que nous n’avons que très peu entendues : Sima Ouahman, soprano au timbre léger et désinvolte en deuxième année de résidence, et Boglárka Brindás, soprano plus large au fort caractère, en guise de concert de sortie.
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Dernière surprise de cette soirée, un grand finale rassemblant la quasi-totalité des académiciens, où enfin nous avons pu apprécier le talent de Raphaël Jacobs, metteur en scène effectuant sa deuxième année au sein de l’Académie. Mention spéciale également à Antoine Dutaillis, pianiste chef de chant qui revêt la veste de chef d’orchestre en cette fin de concert, et ce, brillamment.
Il est tentant, lors d’un tel concert, de juger la technique ou de pointer du doigt les imperfections. Mais l’essence de l’Académie de l’Opéra de Paris ne réside pas là. Elle est dans l’espoir, dans le potentiel que ces jeunes artistes laissent entrevoir. Et ce concert d’ouverture, avec ses hauts et ses bas, reste avant tout une rentrée, point de départ d’une aventure prometteuse pour un ensemble de musiciens talentueux. Alors, affaire à suivre !
Demandez le programme !
- C.W. Gluck – Orphée et Eurydice ; Amour, viens rendre à mon âme (Acte I)
- P. Viardot – Scène d’Hermione : Je ne t’ai point aimé, cruel!
- H. Berlioz – Lélio ou Le retour à la vie
- H. Berlioz – La Damnation de Faust ; Voici des roses
- H. Berlioz – Béatrice et Bénédict ; Me marier? Dieu me pardonne ; Vous soupirez, madame ?
- C.W. Glück – Echo et Narcisse ; Quatuor de Nymphes ; Chère et tendre amie
- W.A. Mozart – La Flûte enchantée – Ouverture piano quatre mains – Zu Hilfe ! Zu Hilfe ! Sonst bin ich verloren – Der Vogelfänger bin ich ja – Dies Bildnis ist bezaubernd schon – Ach, ich fühl’s, es ist verschwunden
- W.A. Mozart – La Finta Giardiniera – In questa casa… – Vorrei punirti indegno – Finale: Fra quest’ombre