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La Rondine fait son nid à Metz

OPÉRA – Avez-vous remarqué ? La plupart des expressions portant un nom d’oiseau sont négatives ou péjoratives. À commencer par les fameux « noms d’oiseaux », d’ailleurs ! Heureusement, cette Rondine (prononcer RRRondiné) est une hirondelle qui fera notre printemps. En Automne.

Coucou Puccini !

Parce qu’il n’est pas une poule mouillée et alors qu’il n’est déjà plus un perdreau de l’année, Puccini (dont nous commémorons les 100 ans de la mort) décide de se risquer dans d’autres répertoires que les tragédies qui ont fait son succès. Avant de se lancer dans son chant du cygne, le Triptyque (avec le si grinçant Gianni Schicchi) et son Turandot resté inachevé, il se laisse embaucher par la direction du Carltheater de Vienne, qui fait alors le pied de grue devant sa porte pour lui commander une opérette (déjà considéré comme le vilain petit canard du genre lyrique). Mais faute de grive, on mange des merles : la première guerre mondiale éclatant peu après, c’est finalement une Comédie lyrique qui est créée à Monte-Carlo en 1917. L’ouvrage garde un ton léger presque jusqu’au dénouement, qui est cruel mais pas tragique : la preuve est faite qu’on peut émouvoir le public sans qu’un méchant baryton ne provoque la mort de la soprano. Le résultat ressemble à une synthèse de Capriccio de Strauss (le premier acte, une conversation de salon) qui ne sera créé que 24 ans plus tard, La Bohème de Puccini lui-même (l’acte II, chez Bullier, pourrait tout aussi bien être chez Momus, sauf que cette fois, personne ne se caille) et La Traviata de Verdi (à l’acte III, la courtisane doit renoncer à l’amour et à la rédemption, faute de pouvoir se marier, et retourne dans sa cage dorée). Dit comme ça, ça ne semble pas casser trois pattes à un canard, mais l’aigle n’engendrant point la colombe, Puccini apporte à la partition son génie mélodique, sa puissance orchestrale, et sa capacité à articuler des ensembles somptueux (comme le quatuor avec chœur de l’acte II). 

© Philippe Gisselbrecht – Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz
Un nid douillet

On ne va pas faire l’autruche, la note de mise en scène de Paul-Émile Fourny est maigre comme un coucou qui aurait un appétit d’oiseau : son souhait est de faire une production « poétique […], un complément dramaturgique imaginaire, beau et sincère, comme un écrin rendant justice à la partition ». Autrement dit, il refuse de céder au miroir aux alouettes d’un parti-pris choquant, d’un angle torturé, d’une réinterprétation hasardeuse. Une mise en scène super traditionnelle, respectueuse du livret ! Certains pousseront des cris d’orfraie (le saviez-vous ? une orfraie est un rapace diurne) et lui voleront dans les plumes, mais son pari est réussi : les décors (signés Benito Leonori) et les costumes (de Giovanna Fiorentini) sont esthétiques. Au final, l’intrigue et surtout la partition, sont bien mises en valeur. 

Les rossignols chantaient
  • Gabrielle Philiponet est convaincante en Magda, grâce à son jeu investi, notamment dans les passages plus dramatiques, mais aussi par sa voix lyrique au vibrato présent, qui manque toutefois de nuances. Ses graves sont poitrinés avec maîtrise et une grande habileté dans les changements de registre. 
  • Son tourtereau, Ruggero Lastouc, est interprété par Thomas Bettinger au timbre en clair-obscur. Sa voix très couverte et bien émise se trouve déséquilibrée dans l’aigu, mais il parvient malgré tout à se montrer touchant. 
  • En Lisette, jeune bonne à la cervelle de moineau, Louise Foor déploie ses ailes par sa voix brillante et fine, ses beaux aigus purs et vibrants, et sa diction précise et vive.
  • Christian Collia apparaît plus léger en Prunier (pourtant un rôle très présent tout au long de l’ouvrage). Remonté comme un coucou, il déploie un jeu de comédien abouti, et accompagne son chant au piano avec maîtrise. Mais vocalement, sa voix manque de relief et de timbre, et sa ligne manque souvent de justesse. Petit à petit, l’oiseau fait toutefois son nid et sa voix prend de l’assurance au fil du spectacle, s’appuyant sur son timbre clair et une jolie voix de fausset, sans jamais se mettre à la hauteur de ses partenaires. 
  • Jean-Luc Ballestra apporte à son personnage de Rambaldo une certaine noblesse, tant par son port au regard d’aigle et par son jeu que par sa voix bien émise, large, sombre et sonore. 
  • Apolline HachlerLucile Lou Gaier et Adélaïde Mansart forment un trio (Yvette, Bianca et Suzy) enjoué et bien ensemble. 

L’Orchestre national de Metz Grand Est est dirigé par Sergio Alapont, en de grands gestes larges. La phalange joue avec éclat, proposant de belles envolées et une grande puissance narrative. Le Chœur, seulement présent à l’acte II, manque son entrée, très brouillonne, mais soutient avec délicatesse le quatuor, l’un des plus beaux moments de la soirée. 

À Lire également : La Rondine À l’écran - Paris est une fête

Gais comme des pinsons et loin d’avoir bayé aux corneilles, les spectateurs offrent de longs applaudissements aux artistes. Les oiseaux de mauvais augure peuvent migrer et laisser la place aux nouveaux convertis : cette œuvre ne sera oubliée que quand les poules auront des dents. 

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