Beethoven aux Invalides : c’est canon !

CONCERT – C’est parti pour la saison 2024-2025 des Invalides ! Avec son Cercle de l’Harmonie, le chef Jérémie Rhorer a lancé les hostilités avec un programme 100% Beethoven : Concerto pour piano n°1 et Symphonie n°5 : un concert…canon !

Un soir aux Invalides : on valide !
© Lilah Immerechts

Cathédrale St Louis des Invalides, 19h30 – À la nuit tombée, le sac fouillé, on passe dans la grande allée pour défiler là où défile la Garde Républicaine, là où les processions officielles des grandes cérémonies entrent dans la fameuse cour carrée pour des moments intenses de communion retransmis dans le pays entier. La fameuse cour où le crayon à papier de Jean d’Ormesson a trôné, et où un pays entier s’est ému des victimes du 13 Novembre. Entrer dans cette cour pour aller trouver sa place, ça pose l’ambiance, ça met dans le bain, et ça offre un premier privilège, pour le prix d’un billet de concert : marcher seul dans les pas d’une Histoire commune. Ça, et la vue d’un petit croissant de Lune qui embrasse la coupole dorée de la cathédrale. Ah, Paris…

Stratégiquement 1 contre 10…

Une fois installé à sa place, en passant entre les canons et les hallebardes, c’est au tour de Jérémie Rhorer et son Cercle de l’Harmonie de réveiller des Invalides prêtes à s’endormir, les visiteurs du Musée de l’Armée ayant quitté les lieux. Parce que le programme du soir n’est pas exactement une berceuse… La Symphonie n°5 de Beethoven : ses timbales, ses cuivres, ses accents grandioses et la fougue légendaire d’un génie en pleine possession de ses moyens. Alerte spoiler : on s’attend à ce que ça fasse autant de bruit que les canons qui trônent dans la cour de derrière.

© Caroline Doutre

Petite crainte naissante là-dessus, à la vue des instruments installés devant nous. Beethoven sur instruments d’époque, avec des cordes en boyaux et des cuivres naturels, ça peut vouloir dire Beethoven timoré, en demie-teinte. Et ça, ça fait presque plus peur que la collection d’armes de guerre qui trônent dans les salles d’à côté…

À lire également : Beethoven par Jordi Savall, un retour aux sources
Tactiquement, 10 contre 1 !

Mais, assez vite, dès que Jérémie Rhorer met l’infanterie au garde à vous avec ses gestes forts et précis, dès que son index pointe le timbalier pour les premiers coups de canon dans un tutti foudroyant, l’oreille en prend pour son grade ! On décolle presque de son siège, et la claque qu’on avait prévu de prendre fait bien l’effet attendu : un des ratios boyaux/décibels les plus impressionnants qu’on ait entendu. De quoi nous convaincre que Beethoven sur instruments d’époque, c’est pas une mauvaise idée ! D’autant que la puissance d’un orchestre n’est pas qu’une affaire de décibels : c’est aussi une question d’équilibre.

© Caroline Doutre

Et ce n’est pas Napoléon, dont le tombeau est à quelques mètre de l’orchestre, derrière le tabernacle de la cathédrale, qui dirait le contraire ! Lui qui a réussi à prendre des forts entiers avec une petite escouade sait qu’il faut d’abord penser à la cohésion d’ensemble avant de pousser le volume. De ce point de vue-là, chapeau bas aux pupitres de cordes bien sûr, mais chapeau plus bas encore aux vents, dont les petits ensembles sont d’une justesse imparable, capables de toutes les nuances sans rien perdre en qualité…

Parce qu’il en fallait de la nuance ce soir-là, et particulièrement dans le Concerto pour Piano n°1, joué lui aussi sur instrument d’époque. Exit le Stenway grand queue donc, puisqu’il n’existait pas en 1795. C’est donc sur instrument très loin de ce qu’elle connaît que Marie Kodama s’est chargée de rendre l’esprit de ce Beethoven naissant (19 ans quand il a composé ce premier concerto).

© Caroline Doutre
Le Piano d’époque, ça change quoi au juste ?

Pour vous aider à comprendre, un petit pour/contre s’impose :

  • Un niveau sonore pus faible :

Pour : les nuances sont plus délicates, et mécaniquement, comme tout le monde au plateau tend l’oreille pour entendre, l’écoute et la cohésion sont renforcées.

Contre : l’impression de force de l’instrument est diminuée, et Marie Kodama s’emploie pour faire sonner les accents et les entrées, particulièrement dans les graves.

  • Pas de pédale :

Pour : L’absence d’aide à la résonance nivelle toutes les notes jouées. Donc les appoggiatures (les petites notes à peine appuyées qui précèdent la note réelle) sont égales, ce qui crée des dissonances inédites, et franchement intéressantes à l’oreille !

Contre : évidemment le travail d’union avec l’orchestre est moins riche dans les passages tutti, puisque le pianoforte ne peut pas tenir le son autant qu’un piano moderne.

  • Un timbre différent :

Pour : dans le contexte d’un orchestre sur instruments d’époque, ça aurait été étrange d’avoir un piano moderne, qui aurait sonné un peu anachronique.

Contre : si on a le tympan un poil fainéant, il faut quelques minutes d’adaptation à l’oreille pour intégrer et discerner le timbre.

Au final, on sort de ce concert avec des certitudes nouvelles sur la musique d’un compositeur qu’on aime, ce qui fait toujours du bien ! On se dit aussi que la musique a toute sa place dans une institution comme les Invalides, dans un lieu a priori très surplombant, mais qu’on a plaisir à fréquenter autrement. En somme, avec ce concert d’ouverture : on est conquis !

Demandez le programme !

  • L.V. Beethoven – Concerto pour Piano et orchestre n°1 en Ut Majeur
  • L.V. Beethoven – Symphonie n°5 en Ut mineur
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