CONCERT – Le ténor Ramon Vargas accompagné par l’orchestre national Avignon-Provence et le chœur de l’Opéra Grand Avignon dirigés par Giulio Prandi donne un concert au menu 100% italien.
Un peu d’Italie au pays des papes
Si cela fait bien longtemps qu’Avignon s’est détaché des Etats Pontificaux au profit de la République Française, un air d’Italie s’y installe en ce moment pour une semaine « Bella Italia » organisée avec le Consulat Général d’Italie à Marseille. Et quoi de plus italien que l’opéra ? C’est eux qui l’ont inventé ! C’est donc tout naturellement qu’entre autres évènements, deux soirées sont programmées à l’Opéra de la ville. La première s’articule autour du ténor star (mexicain) Ramon Vargas. Si l’on est loin de remonter aux débuts de l’art lyrique (il faudra attendre pour cela Giuditta programmée le lendemain), le programme balaye le XIXème siècle (et le tout début du XXième) de Donizetti à Puccini avec une large place accordée à Verdi. Mascagni et Cilea apparaissent aussi sur la deuxième partie avec respectivement l’interlude de Cavalleria rusticana et le lamento di Federico (L’Arlesiana). Les airs de ténor occupent la majeure partie du concert mais la soirée s’avère diversifiée avec quelques mélodies de Verdi (aussi pour ténor), des extraits orchestraux, des chœurs et même deux duos avec des solistes issues du chœur. Les plaisirs sont ainsi variés (tant qu’ils restent italiens !) au fil de cette agréable menu.
Croustillante et réconfortante : la pâte de Giulio Prandi
A soirée italienne son maestro italien, il s’agit en l’occurrence de Giulio Prandi. Plutôt spécialiste des orchestres baroques et des instruments d’époque, il montre ce soir sa polyvalence en nageant dans le romantisme comme un poisson dans la mer Tyrrhénienne. Chaque morceau apparait structuré, imprégné d’ambiances tissées avec soins, parfois successives avec des transitions marquées. On sent là, la patte de ce mathématicien de formation qui veille à l’exactitude et à la précision de la musique sans en négliger la chaleur et la fluidité. C’est ainsi que, comme dans une bonne pâte à pizza où la souplesse réconfortante du centre s’allie au croustillant des bords, dans l’ouverture de Nabucco la rondeur subtile initiale des trombones précède les impacts de percussions sur lesquels se posent les véhéments ostinatos de cordes réveillant les papilles, comme une huile piquante. Un peu d’opulence en plus permettrait d’enrichir encore plus les passages véristes, en particulier l’interlude de Cavalleria rusticana et les airs de Tosca. Les solistes sont accompagnés avec soin. Les chœur, préparés par Alan Woodbridge sont unis et coordonnés, en particulier celui des hommes suivant l’ouverture de Lucia di Lammermoor. Le coro a bocca chiusa de Madame Butterfly est délicat comme une fleur de cerisier, le va pensiero manque par contre d’un soupçon de puissance dans les attaques.
Ramon Vargas : « artigiano della qualità »
L’ingrédient star, trônant sur la soirée comme une magnifique burrata au milieu de sa salade, est bien sûr Ramon Vargas. Digne héritier des meilleures lignées de ténors latins, il inscrit sa technique dans la tradition du chant italien qu’il contribue à faire perdurer depuis plus de trente ans. Il réjouit le public de vocalises démonstratives, de poussées éclatantes et de son timbre aussi ensoleillé qu’un été sicilien. Le souffle n’a pas pris une ride, comme le démontrent les répliques tenues de son « una furtiva lagrima ». L’articulation contribue à rythmer les phrases.
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Face à un tel colosse, difficile pour les autres solistes de ne pas être éclipsés. Cyril Héritier peine à se faire entendre en Normanno (Lucia di Lammermoor) parmi le puissant chœur et l’orchestre. Clelia Moreau en Sofia (I Lombardi alla prima crociata) développe l’agilité de son chant avec précision mais souffre de la comparaison avec Vargas tant en termes de présence que de voix. Seule Agnès Ménard parviendra pleinement à équilibrer le ténor par sa technique tout en passant sans accroc le chœur et l’orchestre dans le somptueux brindisi de la Traviata donné en second rappel. Encore une fois tout un symbole de l’Italie ! Comme les convives de la Traviata s’abreuvant de champagne, le public (qui n’hésite pas à manifester son enthousiasme avant même la fin des morceaux) en redemande encore par ses applaudissements mérités !