COMPTE-RENDU – La compagnie Intim’Opéra nous propose une immersion dans la vie et l’œuvre quelque peu oubliées d’Augusta Holmès, à travers sa musique et son lien indéfectible avec son grand ami Camille Saint-Saëns.
La compagnie Intim’Opéra nous convie ce soir au théâtre du Forum à Berre-l’Etang à la rencontre d’Augusta Holmès, qui fut une compositrice de tout premier plan durant la deuxième moitié du XIXe siècle avant d’être poussée dans l’oubli, très peu de temps après sa mort survenue en 1903. Le spectacle, mûri depuis 2020 et créé en mars 2024, est ici proposé dans une version théâtralisée, fruit d’une résidence artistique au Forum.
Révolution : retour au point d’origine
La représentation s’ouvre sur une des photos les plus célèbres d’Augusta Holmès, que nos hôtes de la soirée, Lucile Pessey, Yves Coudray et Marion Liotard, nous invitent à regarder dans un silence assez solennel, propre à raviver le souvenir. Et il est peu de dire que la tâche est grande, tant la musicienne a été systématiquement effacée de la mémoire collective, elle qui fut pourtant, en son temps, célébrée et reconnue au point de se voir confier la composition de grandes œuvres comme l’Ode triomphale à la gloire de la République à l’occasion des célébrations officielles du centenaire de la Révolution, en 1889.
À travers un ensemble choisi d’œuvres et de documents d’époque (correspondance et articles de critiques), la compagnie re-lève peu à peu le voile jeté sur la carrière, la vie, voire la personnalité « d’Holmès », ainsi qu’elle a pu signer certaines de ses lettres à ses enfants qu’elle a eus avec l’écrivain Catulle Mendès.

Lucile Pessey, Yves Coudray et Marion Liotard campent tour à tour les critiques acerbes et bien souvent misogynes, les amis fidèles au premier rang desquels Camille Saint-Saëns, son confident et soutien indéfectible (dont elle aurait refusé deux demandes en mariage) ou Augusta elle-même. Ils interprètent aussi, et surtout, de nombreuses mélodies qu’elle composa, souvent sur ses propres poèmes, parmi lesquelles des extraits du cycle Les Sept Ivresses aux caractères contrastés, Le Château du rêve dont l’ambiance résonne avec celle de Gabriel Fauré, le duo La Princesse Neige, ou encore La Guerrière dans laquelle il est difficile de ne pas voir une allégorie de sa vie.
À Lire également : Femmes de légende - un concert tout en délicatesse
Lucile Pessey nous enchante de sa puissante voix de soprano au timbre chaud, ponctuée d’un vibrato léger. Ses interprétations engagées et théâtralisées donnent à la soirée une coloration d’opéra, malgré la très compréhensible absence d’extraits de La Montagne Noire – possiblement le seul des opéras d’Augusta Holmès à avoir été donné en public de son vivant. Le ténor Yves Coudray lui donne vaillamment la réplique à l’occasion de plusieurs duos, et se fait la voix de Camille Saint-Saëns s’adressant en musique à sa très proche amie (Si vous n’avez rien à me dire, La Solitaire). Enfin, Marion Liotard, en bonne pianiste, tient brillamment la barre, s’acquittant de manière impeccable des accompagnements, toujours très beaux mais parfois très techniques, composés par Augusta Holmès, elle-même pianiste virtuose.

Ad augusta per angusta
Les applaudissements enthousiastes du public, malheureusement peu nombreux, viennent conclure cette belle soirée de découverte qui, par des textes forts portés par une musique raffinée, aura permis de rappeler Augusta à notre souvenir collectif.





