CONCERT – Les passagers du A400M Opéra Grand Avignon embarquent avec l’équipage de L’Orchestre d’harmonie de la Musique de l’Air. Le commandant de bord est le colonel Claude Kesmaecker, directeur musical de l’orchestre.
La formation est un peu particulière : un orchestre d’harmonie, et pas un orchestre symphonique. C’est-à-dire qu’il est composé quasi exclusivement d’instruments à vents (cuivres et bois), de deux contrebasses et d’une harpe. Le choix d’un orchestre d’instruments à vent est bien sûr à mettre en rapport avec l’élément du corps d’armée auquel il est rattaché : l’armée de l’air et de l’espace. Les œuvres présentées ce soir sont donc réorchestrées avec plus ou moins de succès, pour s’adapter à ce type d’ensemble. La richesse en est le plus souvent amoindrie, en particulier les Tableaux de Provence et les Tableaux d’une exposition interprétées en première partie.
Hôtesses de l’air et musiciens militaires : Tous en uniformes.
La compagnie est ultra low cost, puisque le billet d’entrée est même gratuit ! Comme à l’aéroport, il faut patienter un moment avant de décoller. Les stewards de la soirée dans leur uniforme militaire font une présentation de l’historique de ces concerts, de la base aérienne d’Orange partenaire de l’évènement, de la Fondation des Œuvres Sociales de l’Air (à laquelle est reversée une partie des ventes de disques de l’orchestre), etc. Comme les consignes de sécurité, c’est rébarbatif mais c’est important. Le public ne souffre pas de l’absence de programme puisque chaque morceau donné est précédé d’une brève et claire présentation par le chef d’orchestre. Parenthèse : l’armée ne veut pas d’histoires avec l’Histoire, puisque chacun des Tableaux d’une Exposition a été nommé à l’exception du « Juif riche » et du « Juif pauvre », pudiquement appelés « deux personnes ».
Emilie Heurtevent : il faut sauver le soldat Provence !
Le décollage se fait depuis un aéroport local (pourquoi pas la base aérienne d’Orange), puisque le voyage commence avec les Tableaux de Provence de Paule Maurice, suite programmatique dont la forme relève quasiment d’un concerto pour saxophone. La partie soliste est assurée par Emilie Heurtevent, saxophoniste de l’orchestre. Au premier mouvement on doit déjà se situer très haut, car la Provence semble bien lointaine voire imperceptible. Malgré la qualité globale des musiciens, l’indolence et la chaleur de la garrigue sont gommées par un orchestre peu agile et surdirigé dont le son demeure droit mais insuffisamment nuancé. Ces défauts perdurent malheureusement la majeure partie du concert. Le second et le quatrième mouvement sont plus réussis, grâce à la sensibilité du jeu d’Emilie Heurtevent qui parvient à attendrir l’orchestre, et notamment la harpe dans un duo poétique, puis les percussions et les autres bois qui viennent se poser subtilement autour d’elle dans le quatrième.
Opération russe en interarmées : du Mirage au char Leclerc
Longue escale en Russie avec les Tableaux d’une Exposition de Moussorgski dont l’arrangement par Ravel souffre le plus de la réorchestration. Claude Kesmaecker semble ici avoir troqué l’aérodynamisme et l’élégance du Mirage pour l’empâtement du char Leclerc. Si cela donne une rassurante stabilité dans les « promenades », les « tableaux » perdent de leur magie et de leur efficacité. Les tempi sont lents et d’une régularité imperturbable. Les ruptures et les transitions manquent de mordant (peut-être par moment en raison des bois ne permettant pas un mouvement aussi rapide que les cordes frottées). La puissance et le tempo permettent de donner à la « Porte de Kiev » sa stature imposante, mais elle ne brille que d’un éclat discret (comme ses cloches quasiment absentes). L’ambiance foisonnante du « Marché de Limoges » est par contre bien retranscrite, comme la noirceur outre-tombe des « Catacombes » portée par l’obscurité intense des cuivres qui en fait le tableau le plus réussi.
Voltaire en citybreak sur Broadway
Encore plus vite qu’un Rafale ! En vingt minutes d’entracte à peine, on traverse ensuite l’Atlantique avec une courte escale par Paris, le temps de récupérer Voltaire, avant d’atterrir à Broadway où l’opérette Candide fut créée par Leonard Bernstein ! (Les extraits qui en sont présentés remplacent les danses symphoniques de West Side Story initialement prévues). Si l’ouverture manque de netteté et de contraste, le « Glitter and be gay » de Cunégonde rassemble à la fois l’opulence et la mélancolie naïve du personnage. La progression du final est également saisissante. Enfin, petit road trip sur toute l’Amérique (du nord et du sud) avec le Rythm of America de Bob Mintzer pour quartet de saxophone et orchestre, qui mêle successivement des influences de la musique savante, du jazz et de la « musique latine ». Les parties latines sont à la fois entrainantes et caressantes, trouvant le juste équilibre entre chaleur apaisante et vigueur. Le reste du temps, l’orchestre reste encore peu alerte, avec une uniformité sonore qui tourne à la monotonie. Le quartet de saxophones est insuffisamment fusionnel.
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Malgré une prestation de vol plus proche de la classe économique que de la première (vu le prix du billet c’est déjà très bien !), l’Orchestre d’harmonie de la Musique de l’Air a permis à un public varié et en grande partie renouvelé de voyager sur un bon bout de continents. Et, comme après un atterrissage réussi, on applaudit le pilote !