DANSE – Avec The Tree (fragments of poetics on fire), Carolyn Carlson signe sa dernière grande création pour sa compagnie, point final de son exploration artistique autour de l’œuvre de Gaston Bachelard. Sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, avec une chorégraphie onirique et poétique, la chorégraphe américaine nous alerte sur l’importance de préserver une nature au bord du gouffre.
Un cri d’alarme pour des forêts menacées …
S’inscrivant dans la continuité de Eau, Pneuma et Now, Carolyn Carlson s’empare cette fois-ci « Des Fragments d’une poétique du feu » du philosophe Gaston Bachelard. Dans une actualité où de nombreuses forêts sont ravagées par des incendies dévastateurs, cette création résonne comme un ultime hommage à la nature et à l’humanité.
Sur une scène épurée, un bouleau mort se dresse majestueux, devant une lune mystérieuse qui semble habitée par une silhouette humaine. Les jeux de lumières de Rémi Nicolas dessinent des paysages oniriques. Un voyage intérieur :qui traverse tantôt une forêt mystérieuseoù se déroulent des rites sacrés, tantôt un désert calciné où la vie s’obstine. En toile de fond, les peintures abstraites à l’encre de chine de Gao Xingjian sont projetés comme des paysages mentaux, amplifiant la dimension imaginaire de ce voyage sensoriel.
Dans cette scénographie, méticuleusement pensée, Carlson ajoute des objets à la symbolique profonde : un porte-voix noir comme un cri d’alarme, un ventilateur qui attise les braises ou encore un seau métallique, ultime rempart contre les flammes. Carolyn Carlson et ses danseurs sont dans leur élément.
Un rituel sacré entre forces telluriques et présences mystiques
Sur scène, une dualité s’impose. Les hommes, vêtus de noir, déploient des mouvements inspirés des arts martiaux, incarnant une dimension combative. Par opposition, les femmes, émergent en présences mystiques : leurs longues robes blanches et leurs cheveux détachés – petit clin d’œil à Pina Bausch – les métamorphosent en figures de sorcières ou en fées des bois. Blonde, rousse, brune : chacune incarne à sa façon une force tellurique, rappelant les mythiques sorcières d’Eastwick.
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Les neufs interprètes, partagent une approche du mouvement, ancré sur la respiration et la méditation, conférant à l’ensemble un tableau hypnotique et relaxant. Les séquences s’enchaînent avec fluidité, offrant de jolis moments, comme cette scène où une danseuse semble à la fois s’envoler et résister au souffle d’un ventilateur, métaphore saisissante du combat entre l’Homme et la Nature
Une invitation à stopper pour contempler
À 80 ans, Carolyn Carlson conserve cette grande capacité à nous émouvoir et à nous interroger sans tomber dans un simple manifeste écologique. The Tree est une méditation chorégraphique sur le cycle éternel de la vie, portée par une réflexion optimiste, quant à la capacité de réinvention de l’humanité même après le désastre. Cette création peut susciter dans le public un désir profond de reconnexion avec la nature, qu’il s’agisse de faire des câlins aux arbres ou d’entreprendre une retraite chamanique. Plus qu’une simple performance, c’est une invitation à ralentir dans notre vie, pour contempler, ne serait-ce qu’un instant, la poésie du vivant qui nous entoure, ouvrant la voie à une renaissance spirituelle.