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Les Variations Goldberg, c’est pas Sorcier !

FESTIVAL – Soirée aux chandelles à Dinard, Jean-Sébastien Bach mis à l’honneur avec la plus célèbre des berceuses : Les Variations Goldberg. Mais attention, cette fois nos Variations varient !

À l’initiative de Yann Ollivier, sept artistes se sont réunis pour offrir un programme de génie autour du maître du baroque. On retrouve ainsi Thomas Briant au violon, Lisa Strauss au violoncelle, Théo Ould à l’accordéon, Marie Nadeau-Tremblay au violon baroque, Noémie Lenhof à la viole de gambe, et Ninon Hannecart-Ségal aux pianos et clavecins. Comme pièce de résistance, les Variations Goldberg. Mais ce n’est pas tout !

Les Variations Goldberg : Kesako ?

Intitulées précisément “Aria avec quelques variations pour clavecin à deux claviers”, les Variations Goldberg sont un recueil de 30 développements contrapuntiques (forme d’écriture musicale considérant une lecture mélodique) autour d’une basse fondamentale, tirée d’une Aria, une passacaille (danse espagnole) composée par Bach en 1725. 

Ces 30 variations sont exposées entre l’Aria et l’Aria da capo, varient de forme et de constructions harmoniques (gigues, toccatas, fugues, chorals, canons et bien d’autres encore), et sont vouées à être jouées sur un clavecin à deux claviers. Elles sont présentées en déclinaisons, plutôt qu’en évolution : Glenn Gould dira d’ailleurs qu’il n’y voyait “ni début ni fin”. 

Pourtant, les artistes présents ce soir proposent une méditation guidée, parcourant les plus belles pages de Jean Sébastien Bach, de manière tout à fait ingénieuse. Mais alors, où est l’innovation ?

Eh bien nos sept musiciens inventent une progression à contre-courant, partant du tempérament égal et du diapason en La 440 Hz (dit classique) au piano et instruments modernes pour arriver, avec “Le clavier bien tempéré, prélude BWV 858” en guise de transition, à l’accord baroque du clavecin et de la viole, au La 415 Hz, un demi-ton en-dessous. 

Mais finalement, qu’est-ce que ça change ? 

Le tempérament égal, caractéristique des instruments modernes, est arrivé avec l’époque classique, offrant une sonorité douce et mélancolique par ses intervalles approximatifs. À l’inverse, le diapason baroque se distingue par ses intervalles purs, créant des accords justes et brillants, typiques de cette esthétique. Sachant ça, il devient curieux d’explorer ces mêmes sonorités, si rarement mises en parallèle !

© Jean Enders

Alors, ce voyage s’ouvre, au son des claviers de Ninon Hannecart-Ségal, au piano cette fois, interprétant une très délicate Aria Introductive, suivie de la Variation 1. Son doigté léger mais assumé pose le ton (au propre comme au figuré) : ce soir, il s’agit de virtuosité. 

Bon, mais pourquoi toutes ce monde ?

C’est là que tout le prodige de ce programme transparaît finalement : en habiles passes (Vous voyez l’idée ? La passacaille !), les musiciens alternent, de Suite en Partita, Chaconne et Choral. Au violoncelle, Lisa Strauss interprète la Suite n°1 BWV 1007, sans grande surprise pour ce monument du répertoire, suivie par Thomas Briant avec la Sarabande de la Partita n°2 BWV 1004, dont Théo Ould reprend ensuite la Chaconne, sur un superbe arrangement pour accordéon. 

© Jean Enders

Soudain, Ninon Hannecart-Ségal se lève, et abandonne son piano au profit du clavecin, sis dans son dos depuis le début du concert, dans un joli tableau en miroir. Et grâce à la magie du changement de diapason, elle finit son Prélude au piano, et reprend la Variation 16 dans un même souffle au clavecin, pourtant écrite un demi-ton plus haut. 

À lire également : Variations Goldberg : esprit es-tu là ?

Et nous voilà repartis pour le même ballet, cette fois après un accord nécessaire : Marie Nadeau-Tremblay en soliste remarquable sur la Partita n°2 BWV 1004. “Encore?!”, diriez-vous très justement ? Oui, mais cette fois, elle en joue l’Allemande, au tempérament baroque ! Du génie ! Enfin, en cousine du violoncelle de Lisa Strauss, la viole de Noémie Lenhof sonne brillamment sur la Sonate BWV 1029, avant d’accompagner Juliette Mey dans un “Erbarme dich” comme finale suspendu, seul instant de voix dans ce programme virtuose. 

© Jean Enders

Alors, que dire, si ce n’est un grand bravo, encore et encore, pour cette soirée aux chandelles prodigieusement orchestrée, sous la (géniale) houlette de Yann Ollivier, réussissant le pari d’une salle comble, pour un programme pourtant audacieux, une fois de plus. 

Demandez le programme ! 

J.S. Bach 

  • Variations Goldberg BWV 988 – aria et variation 1 
  • Suite n° 1 pour violoncelle BWV 1007 – prélude 
  • Partita n°2 en ré mineur BWV 1004 pour violon – sarabande 
  • Choral orné en sol majeur BWV 641 
  • Variations Goldberg BWV 988 – variation 25 
  • L’Art de la fugue BWV 1080 – fugues 1 & 9  
  • Partita n° 2 en ré mineur BWV 1004 – Chaconne (arrangement Busoni) 
  • Le Clavier bien Tempéré – Livre 1 prélude BWV 858  
  • Variations Goldberg BWV 988 : Variations 16 – ouverture rapide 
  • Sonate pour violon et clavecin BWV 1017 – Largo 
  • Sonate pour viole de gambe et clavecin BWV 1029 – Vivace 
  • Suite pour violoncelle  n°4 BWV 1010 – sarabande  
  • Partita n°2 en ré mineur BWV 1004 pour violon – allemande 
  • Variations Goldberg BWV 988 – variation 29 
  • Sonate en trio BWV 1039 – 1. Adagio 
  • Passion selon Saint Matthieu BWV 244 – Erbarme dich, mein Gott   
  • Variations Goldberg BWV 988 – Aria finale
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