COMPTE-RENDU – Le ténor Cyrille Dubois prend le rôle-titre du Comte Ory de Rossini avec Sara Blanch en Comtesse Adèle dans une version concert « Les Grandes Voix » au Théâtre des Champs-Elysées.
Et Dubois en voix, envoie et s’en donne à cœur joie : son comte est royal. Ses entrées (dont celle du 2ème acte en longue jupe de pèlerine) et sorties de scène apparaissent toujours particulièrement réjouissantes, libres de toute entrave, ses mimiques de séducteur impénitent et celles d’amoureux éconduit, déchaînent les rires du public. Il entre ainsi dans la peau du jeune Comte Ory à la vie amoureuse passablement dissipée et qui n’hésite pas à franchir frauduleusement les portes du château de Formoutiers (dont le propriétaire est parti pour les croisades) afin de tenter de séduire la pure Comtesse Adèle. C’est pour ce faire qu’il revêt successivement les habits d’un ermite, puis ceux d’une pèlerine du nom de sœur Colette.
Le comte est bon !
Au plan vocal, même s’il peut encore gagner en aisance et en affirmation, il séduit tout autant. Alliant élégance et tendresse avec cette articulation maîtrisée qui le caractérise, Cyrille Dubois s’envole vers les aigus avec une sorte de volupté poétique qui fonde son incarnation. Deux ou trois suraigus moins aboutis pourraient encore gagner en liberté et en précision. Mais cette prise de rôle s’avère du meilleur augure.
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Comptez sur elle, comtesse sûre d’elle
À ses côtés, la soprano espagnole Sara Blanch, qui a déjà interprété le rôle d’Adèle en scène, émerveille tant par sa présence lumineuse que par sa maîtrise technique. Elle aborde le rôle avec une facilité évidente, une musicalité qui allie style et compréhension. Les vocalises en premier lieu paraissent d’un total naturel, émises sans aucune trace d’effort, fluides et d’une précision à couper le souffle. Sara Blanch ne s’en laisse pas compter par les difficultés du rôle et franchit toutes les étapes avec le sourire aux lèvres. Il s’agit donc désormais de compter avec elle dans ce répertoire, et tant mieux, on pourra compter sur elle en décembre prochain, lorsqu’elle retrouvera Rossini avec la piquante Fiorilla dans le cadre de la nouvelle production du Turc en Italie présentée à l’Opéra de Lyon sous la baguette de Giacomo Sagripanti dans une mise en scène signée Laurent Pelly.
La cour accourt
Ambroisine Bré, presque plus soprano que mezzo, se distingue en page Isolier par la justesse de son incarnation et sa ligne de chant soignée. Plus en difficulté, la mezzo Monica Bacelli fait désormais entendre une voix marquée par le temps dans le rôle de Ragonde, même si la comédienne s’avère pétillante. La basse italienne, Nicola Ulivieri à l’accent marqué, peine un peu dans le rôle du Gouverneur tandis que le jeune baryton franco-mexicain Sergio Villegas-Galvain au timbre bien caractérisé manque encore de l’ampleur requise pour pleinement investir le rôle de Raimbaud.
Ménestrels et troubadours
Après une ouverture un peu incertaine et relativement peu dynamique, Patrick Lange se révèle plus à son aise dès l’entrée des protagonistes. Sa direction à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris apparaît vive et nerveuse, trop sans doute à plusieurs moments, mais elle apporte vie et énergie à une partition qui ne demande qu’à briller : Le Comte Ory avant-dernier opéra de Rossini combine avec subtilité l’art suprême du bel canto italien et l’art tout aussi abouti de l’opéra-comique à la française. Le Chœur de Chambre de Rouen associé au Chœur Sorbonne Université, placés sous la direction de Frédéric Pineau, relèvent brillamment leurs parties.
Le public du Théâtre des Champs-Elysées ne com(p)te pas ses applaudissements et bravos généreux envers Cyrille Dubois et Sara Blanch.