Marathon Rachmaninov à Toulouse !

CONCERT – Le pianiste Mikhaïl Pletnev et le chef d’orchestre Dima Slobodeniouk à la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse donnent les quatre concertos de Sergueï Rachmaninov en deux soirées successives.

Tous les ingrédients sont réunis pour rendre l’évènement populaire et attirer un large public, globalement un peu plus jeune qu’à l’accoutumé. Pour la première soirée (Concertos 1 et 2), la Halle aux Grains est pleine à craquer, pour la seconde quelques places sont inoccupées dans les deuxièmes galeries. Le public semble donc toujours avoir un faible pour le bouleversant deuxième concerto (peut-être aussi a-t-il pu être attiré par quelques autres distractions sur la soirée du vendredi soir). Mikhaïl Pletnev et Dima Slobodeniouk se retrouvent après avoir donné la même série de concerts à Paris quelques semaines plus tôt avec le philharmonique de Radio-France. 

Mécanique impeccable, émotion impalpable

Sur le plan technique, la qualité musicale est largement au niveau des attentes. Les mains infatigables de Pletnev fusent sur le clavier avec autant d’assurance que de dextérité. Un débit intense qui contraste avec le calme affiché par l’expression corporelle. Rythmiquement, il se retrouve pleinement en phase avec l’orchestre avec lequel la communication s’avère tout à fait fluide. Le phrasé de l’orchestre s’inscrit dans celui du piano et réciproquement. Dima Slobodeniouk veille scrupuleusement à la coordination de l’orchestre, à la précision, au volume et à l’unité de chaque pupitre. L’impression est aussi visuel, dans le ballet impeccable des cours d’archet.

© Romain Alcaraz

Passée la maîtrise indéniable, l’interprétation apparait à certains égards frustrante, notamment lors de la première soirée, d’une sobriété qui frôle parfois l’ascétisme. Elle semble ainsi faire une lecture presque néo-classique des concertos, alors que Rachmaninov est souvent décrit comme le chant du cygne du romantisme russe. L’étincelle rendant la musique de Rachmaninov si magique peine à s’allumer, donnant parfois l’impression de certains enregistrements studios dont les trop nombreuses prises ont eu raison de l’âme, à force de rechercher la perfection sonore. Elle manque particulièrement au deuxième concerto habituellement dépeint comme poème sur la vie avec ses coups durs, la réparation puis le retour en force d’un plein bonheur. La résonance discrète du grave du piano ainsi que la faiblesse des attaques de contrebasses et de violoncelles peinent à l’obscurité riche du premier mouvement. Dans le deuxième mouvement la flûte puis la clarinette solos, dont chaque note est dirigée d’une main de fer par Dima Slobodeniouk ne parviennent à répondre à la sensibilité du piano dans les dialogues (ce qui leur est très inhabituel). Même l’intensification de l’allegro scherzando manque de lâcher-prise. 

© Romain Alcaraz
L’espiègle rit
© Romain Alcaraz

Peut-être plus en confiance suite à la soirée de la veille, l’excès de retenue s’estompe en partie le lendemain. L’onctuosité du premier mouvement du troisième concerto devient presque hypnotique et saisit l’auditeur dès les premières mesures. Le piano créé une véritable lumière dans le deuxième mouvement. La virtuosité des musiciens s’épanche dans le final de l’alla breve, tout à fait dans l’esprit de triomphe « à moitié modeste, à moitié démonstratif » qu’indiquait son compositeur. C’est finalement la fantaisie du quatrième concerto qui est la plus saisissante : l’espièglerie du piano dans l’allegro vivace final s’y articule avec virtuosité aux passages plus amples, jusqu’à l’accélération fulgurante du finale.

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Autant de concertos que de rappels, Mikhaïl Pletnev qui prouve son endurance a offert à son public enthousiaste L’Alouette de Mikhaïl Glinka, ainsi qu’une des Études de Moritz Moszkowski le premier soir et le Prélude op. 23 n° 4 de Rachmaninov, puis le Nocturne op.19 de Tchaïkovski le second. Ces derniers ont permis de profiter encore un peu de la subtilité et de la délicatesse du jeu du pianiste. 

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