CONCERT – Pour le troisième volet de la Trilogie d’automne, le Festival de Ravenne accueille le phénomène Jakub Józef Orliński et l’ensemble Il Pomo d’Oro. Une soirée hybride entre récital et spectacle qui transporte le public dans les méandres de l’âme humaine.
Sur le proscénium du Théâtre Alighieri de Ravenne, Orliński apparaît tel un héros venu d’un autre temps, drapé dans une cape somptueuse aux broderies dorées, imaginée par la designer polonaise Chi-Chi Ude. Sous cette cape, un élégant costume beige, un gilet noir aux larges manches de tulle… et un talent pour transformer ses tenues en accessoires scéniques. À mesure que le récital avance, il se défait de ses couches, comme s’il se dépouillait symboliquement au fil des passions qu’il chante.
Le programme, issu de son album Beyond, est un voyage à travers l’histoire d’un homme errant entre désespoir, colère et quête de paix intérieure. Si des airs comme Amarilli, mia bella de Caccini ravissent les amateurs de baroque, Orliński explore aussi des pièces inédites, notamment de L’Adamiro de Giovanni Cesare Netti.
Super-pouvoirs : feu et glace
Dès les premières notes, le public est captivé par la présence scénique d’Orliński : son visage expressif, son regard perçant et ses gestes incarnent chaque émotion tandis qu’en outre, il danse, breakdance même, jouant avec l’espace scénique, jusqu’à descendre dans la salle pour mieux captiver encore son audience. Sa voix fascine d’autant plus. Alliant la souplesse d’un ruban à une précision acérée, Orliński brille par des aigus lumineux, un grain séduisant dans les graves et une virtuosité insolente. Sa diction italienne, limpide et délicieuse, achève de conquérir le public Ravennates. Il émeut avec des pièces comme Voglio di vita uscir de Monteverdi, puis fait éclater de rire lorsqu’il incarne une vieille nourrice grinçante dans Quanto più la donna invecchia de Netti.
Une dream team à ses côtés
Pour magnifier ce héros moderne, il fallait un orchestre à sa hauteur. L’ensemble Il Pomo d’Oro ne déçoit pas : complicité palpable, sourires échangés, et une énergie collective portée par la violoniste Alfia Bakieva. Son jeu incisif, presque rugueux par moments, contraste avec une grande tendresse gestuelle et une musicalité irrésistible. Le continuo, quant à lui, soutient avec profondeur sans jamais écraser, tandis que des solistes comme le guitariste Miguel Rincon brillent lors de duos agiles avec Orliński. Chaque note semble dialoguer avec le public, et l’orchestre se fait aussi acteur du spectacle.
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Un final super-héroïque
Quand la dernière note retentit, ce n’est pas vraiment fini. Orliński, généreux, offre cinq bis, ponctués d’échanges malicieux avec le public. Dans une joute de cadences où il triomphe d’impertinence, il décroche des rires et des ovations. Pour conclure, quelques pas de breakdance viennent définitivement enflammer la salle. Au-delà de sa voix exceptionnelle et de son charisme, Jakub Józef Orliński incarne avec ce programme un artiste total, capable de faire vibrer le baroque dans une modernité accessible et éclatante. Une après-midi mémorable qui prouve que le contre-ténor polonais est toujours un héros triomphant, tout à fait prêt à conquérir le monde.