CONCERT – À la Seine Musicale, Insula Orchestra propose un ciné-concert didactique et de haute volée musicale, en compagnie de solistes tels que Carlo Vistoli ou David Fray, mais sans jamais se prendre trop au sérieux. L’occasion de réviser ses classiques, dans une forme accessible au plus grand nombre.
« Musique et cinéma », pas original comme thème ? Peut-être, mais avec « B.O. baroques » à la Seine Musicale on a le son, l’image, et un vrai numéro d’équilibrisme entre un contenu musical exigeant et une forme qui ne se prend pas au sérieux, pour un mélange détonant.
Surprises sur prises
« B.O. baroques » n’est pas une simple projection de scènes de films : celles-ci, ainsi que les extraits musicaux, sont présentés par Thomas Baronnet sous forme de vidéos extrêmement didactiques. Biographies, analyses cinématographiques et pop culture s’y mêlent, à grands renforts de mèmes ; et si le concert est construit autour des très attendus Purcell, Vivaldi, Pachelbel, Bach, Haendel et Mozart, la forme choisie par Thomas Baronnet pour les aborder est bien moins classique que baroque, avec sa fantaisie, ses déguisements et son irrévérence.
Exigeant mais pas snob, populaire mais ne cédant pas à la facilité, voilà un ciné-concert qui devrait être reconnu d’utilité publique pour ses vertus pédagogiques. Sans parler du fait qu’il offre de revoir des scènes cultes de l’histoire du cinéma, dans une fusion des genres réjouissante : c’est ainsi que sur l’Andante du Concerto pour piano n°21 de Mozart se succèdent des images d’Elvira Madigan, de Toy Story 4 et du moins onirique Hellboy, ou que Maurice Pialat et David Fincher côtoient Jérôme Commandeur et Garry Marshall.
Le b.a.-ba des B.O.
Une fusion aussi entre l’image et le son : car l’exercice du ciné-concert suppose souvent que l’on soit happé par le film, quitte à ce que l’orchestre joue un peu un rôle de figurant. Mais on a rarement vu un orchestre et des solistes d’une telle qualité participer à ce genre de projet : car on retrouve tout de même, aux côtés d’Insula Orchestra, des musiciens de la trempe de David Fray ou de Carlo Vistoli, davantage habitués aux récitals dont ils sont la vedette qu’à partager l’affiche avec Stanley Kubrick et Wes Anderson.

Ce qui séduit peut-être le plus dans ce concert, est de réentendre véritablement les grands « tubes » du répertoire. Pas simplement de les réécouter, mais de les réentendre dans leur beauté, dans leurs détails – et dans leur intégralité ! On a rarement entendu la « Marche » des Noces de Figaro avec une telle assurance, ni la Sarabande de Haendel avec des violoncelles si denses et chantants. « L’Arrivée de la Reine de Saba » et l’Allegro n°11 de Water Music retrouvent leur éclat sonore et l’on entend, peut-être pour la première fois, la Gigue qui suit le Canon de Pachelbel : cet alliage de familiarité et de nouveauté fait qu’on ne se lasse pas une seconde de cette succession de grands classiques là où, dans un concert plus traditionnel et avec un orchestre moins investi musicalement, l’ennui aurait pu guetter.
Premiers rôles
Si l’on met de côté le cinéma pour se consacrer à la musique de cette soirée, on constate évidemment la force de ses solistes : le lyrisme de Vincenzo Casale à la clarinette de basset, la virtuosité de Julien Martineau et Rossmery Rangel à la mandoline, mais aussi l’aplomb de David Fray dans les mouvements lents des concertos n°21 et 23 de Mozart, où l’apparente simplicité de jeu cache une profondeur dans le toucher, et un grand sérieux dans le chant mozartien – sans affèterie, incarné, pur d’effets accessoires.
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Mais de cette soirée où se mêlent les arts, les artistes et les registres, c’est peut-être Carlo Vistoli qui réalise le mieux la synthèse de la narration et de l’émotion, de la force du récit et de la musique pure. Que ce soit dans « L’air du génie du froid » de Purcell, « Vedro con mio diletto » ou le Nisi Dominus de Vivaldi, le contre-ténor est d’une musicalité remarquable, assortie d’une diction expressive et percutante.
Un exercice didactique mais pointu, accessible mais sérieux, décalé mais classique… peu importent les antithèses lorsque le public semble, en un mot, conquis.
Demandez le programme !
- H. Purcell – Marche (Funeral Music for the Queen Mary), Rondeau-Menuet (The Gordian knot untied), Rondo (Abdelazer), Air du génie du froid (King Arthur), Canzone (Funeral Music for the Queen Mary)
- J. Pachelbel – Canon et Gigue
- A. Vivaldi – « Vedro con mio diletto » (Il Giustino), Andante du Concerto pour deux mandolines, Allegro du Concerto pour mandoline en do mineur, « Cum dederit », « Sicut erat » (Nisi Dominus)
- J.S. Bach – Aria de la Suite pour orchestre n°3, Andante du Concerto pour clavecin n°5
- G.F. Haendel – « Arrivée de la Reine de Saba » (Solomon), Sarabande de la Suite pour clavecin n°4, Allegro n°11 de Water Music
- W.A. Mozart – Allegro de la Symphonie n°25, Andante du Concerto pour piano n°21, Marche turque (Sonate pour piano K.331), Adagio du Concerto pour piano n°23, Adagio du Concerto pour clarinette, Marche des Noces de Figaro

