AccueilÀ l'écranA l'écran - LyriqueBeethoven Wars, space-opéra à La Seine Musicale

Beethoven Wars, space-opéra à La Seine Musicale

COMPTE-RENDU – La Seine Musicale donne depuis son inauguration en 2017 l’impression d’être un vaisseau à voile, spécial et spatial, comme si un autre modèle de TIE Fighter s’était posé sur l’Île Seguin… L’embarquement du public est donc d’autant plus enthousiaste et immédiat pour ce spectacle proposant un voyage inter-galactique, entre bande-dessinée animée et bande-son beethovenienne.

L’embarquement se fait dès l’entrée du bâtiment : les menaces et le climat guerrier ne cessant d’agiter notre petite planète bleue, la France est encore et toujours en plan Vigipirate Urgence attentat. Le public doit donc non seulement ouvrir ses sacs, passer par une palpation de sécurité mais même goûter devant les agents de sécurité le contenu de leurs bouteilles d’eau pour prouver qu’il ne s’agit pas d’un liquide dangereux… Le climat est posé ! il permettra d’autant mieux de s’évader dans la salle de concert… mais pour mieux retrouver une histoire de conflits mettant fin à la vie sur notre planète (et même plusieurs).

Un projet un peu « space » ?

L’ambiance de vaisseau spatial se confirme en entrant dans l’Auditorium, garni lui aussi comme d’une immense voile : un très grand écran vidéo panoramique incurvé trône en hauteur. Les images et projections déborderont pourtant de cet écran, immergeant le public dans un voyage à 180°. L’univers visuel, à l’image de ce projet, croise les références et les esthétiques en un univers mais parmi une galaxie de citations (entre BD, comics, mangas, roman graphique). Les combats des dessins anime mettent aux prises Batman, des soldats japonais en masques traditionnels mais avec des sabres laser (Star Wars reprenait déjà largement les codes samouraï en les transposant ainsi dans une galaxie far-far away), dans un univers rappelant fiévreusement Tron, Albator…

Dans ce projet réalisé et mis en scène par Antonin Baudry, avec Arthur Qwak à la co-réalisation et Sandrine Lanno à la co-mise en scène, les mouvements des images sont modérés, essentiellement numériques, avec des vaisseaux animés mais surtout des effets de zoom et traveling sur des images fixes (quelques images n’ont pas eu le temps d’être garnies de tous leurs détails mais elles sont dans l’ensemble dignes de rejoindre un album, leur esthétique numérique sachant réunir les différents effets de lavis colorés et de palettes graphiques).

Beethoven Wars – Un combat pour la paix est, surtout, plus qu’un ciné-concert en raison de toute une galaxie de riches choix artistiques. À commencer par le fait que la musique ne vient pas simplement en bande-sonore a posteriori, et en plus des images… Au contraire : ce sont les choix musicaux qui ont inspiré l’œuvre cinémato-graphique. Insula orchestra aurait pu choisir des tubes de Beethoven, ce qui aurait très bien fonctionné sans doute (les Walkyries de Wagner ont bien accompagné des hélicoptères dans Apocalypse Now alors on imagine déjà l’Hymne à la Joie de Beethoven entre les peuples dans l’espace, et Beethoven est déjà très présent au cinéma), mais ce n’est ni l’esprit, ni l’ambition de cette production et de cet ensemble qui aime à remettre en lumière (et en images) des compositrices et compositeurs oubliés, ou des œuvres oubliées de compositeurs connus.

Ludwig van Skywalker

Des enceintes diffusent en salle des effets sonores allant avec la lumière et les images (son de vaisseaux spatiaux, de luttes-laser, d’explosion)… mais la musique de cette expérience est par-dessus tout celle de Beethoven par Insula orchestra et le Chœur accentus. La Bande-Originale de ce projet réunit ainsi « Le Roi Stephan » et « Les Ruines d’Athènes » ainsi que « Leonore Prohaska », et ce sont ces pièces rares qui ont inspiré l’intrigue du film (avec une transposition dans un futur inter-galactique). En effet, les deux premières pièces ont été commandées à Beethoven par l’Empereur François Ier d’Autriche pour l’inauguration du théâtre de Pest (l’autre moitié de Budapest) afin de célébrer la fidélité du peuple hongrois à l’Empire d’Autriche-Hongrie (Étienne Ier fonda le royaume de Hongrie vers l’an 1000, et les ruines d’Athènes symbolisent l’unité de l’Empire dans l’Occident classique), tandis que la troisième pièce rend hommage à la soldate anti-napoléonienne Marie Christiane Éléonore Prochaska. Ce sont donc ces pièces qui forment la trame narrative de Beethoven Wars version SF. Stephan devient le nom d’un roi luttant contre la cheffe d’une faction ennemie. Eux et leurs factions font heureusement la paix, notamment car leur planète a déjà été condamnée par les guerres, les forçant à parcourir l’espace à la recherche d’une nouvelle planète habitable… Ils parviennent en vue d’une planète qui n’est autre que la Terre, mais qui est elle aussi devenue inhabitable, en raison également de toutes nos guerres et inconsciences climatiques. Alors l’exil à travers l’espace infini se poursuit (et ce spectacle poursuivra d’ailleurs sa tournée).

À Lire également : Naruto, petit guerrier et grande musique

Ces liens et parallèles entre les histoires, à travers les siècles et les univers sont d’autant plus fascinants qu’ils résonnent avec la forme même de cette création : un opéra faisant résonner la musique de Beethoven et les instruments de son époque (Insula orchestra joue sur « instruments anciens ») avec la technologie et les enjeux de nos jours, dans une vision d’un futur… à changer autant que possible.

Il est donc d’autant plus regrettable que tous les textes, chantés en allemand, dont les évocations symboliques s’adaptent à toutes les circonstances, ne soient pas sur-titrés (des sous-titres du film dans une esthétique manga et/ou post-futuristes n’auraient pas du tout gêné la diffusion, au contraire ils auraient pu y être intégrés pour enrichir son esthétique… ou bien un système de surtitrage latéral aurait été une autre interaction/dialogue entre l’écran et la scène où les chœurs jouent aussi les peuples et où les solistes sont en costumes néo-antiques). Il paraît donc indispensable, pour que le public rehausse son plaisir du son et des images avec une compréhension de la richesse de leurs liens, que les spectateurs assistent à des séances de médiation et d’explication de cette pièce… ou bien lisent cet article, remarquez !

© Julien Benhamou
Equilbey-dé

Le vaisseau spatial ne fait au final qu’un, celui formé par l’écran et le plateau (et le public) de cet audito, celui formé par ce projet, entre voyage visuel et sonore. Laurence Equilbey en est la capitaine, conduisant à la baguette avec son dynamisme et sa rigoureuse précision habituelle : des qualités qui permettent non pas seulement de se synchroniser à l’image mais d’être dans la même dynamique (c’est essentiel pour ne pas donner l’impression d’une pièce postsynchronisée mais d’une œuvre cohérente). Certains solos de cuivres plus exigeants sont un peu précipités dans les mouvements rapides mais la performance sonore déploie toute la dimension épique requise pour immerger la salle dans ce projet et ce trajet. Thomas Bloch à l’harmonica de verre ajoute à la couleur spatiale de l’ensemble. La petite harmonie clinquante, les cordes profondes et alertes montrent aussi combien les films de science-fiction doivent à la musique orchestrale (forcément héritée de Beethoven). Tout aussi fidèle à sa réputation et à sa pratique, le Chœur accentus est un équipage d’une fiabilité absolue, très précis et articulé, toujours juste et équilibré dans la complémentarité des tessitures.

Le soliste Matthieu Heim offre une parenthèse philosophique de sa voix processionnelle, avec une ample articulation. Il ouvre les graves comme il allonge les phrases. La soprano Ellen Giacone a une voix très équilibrée entre le lyrisme centré dans le médium (vibrant en fins de phrases) et un placement affirmé avec mesure (dans la chaleur de l’aigu, et quoique le grave soit à peine engorgé).

Sur les ailes du vaisseau spatial errant sur le grand écran, un petit coin de jardin dans une bulle protectrice offre comme une lueur d’espoir, et, dans le vaisseau, un théâtre avec chœur et orchestre laisse rêver que la culture perdure comme ce spectacle est chaleureusement applaudi. Ce théâtre flottant dans l’espace en vidéo est lui aussi dirigé par Laurence Equilbey… représentée en version manga.

- Espace publicitaire -
Sur le même thème

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

- Espace publicitaire -

Vidêos Classykêo

Articles sponsorisés

Nos coups de cœurs

- Espace publicitaire -

Derniers articles

Newsletter

Twitter

[custom-twitter-feeds]