CONCERT – Dans l’intimité de la Salle des Préludes de l’Opéra Grand Avignon, le ténor Enguerrand de Hys accompagné par le pianiste Paul Beynet propose un récital centré sur des mélodies françaises à thème religieux.
Les Contes mystiques : késako ?
À deux pas du palais des papes, et en pleine période de l’Avent c’est ce soir l’Opéra qui se convertit le temps d’un récital pour chanter quelques passages de la vie du Christ au fil du cycle Contes Mystiques. Il comporte douze mélodies composées par douze compositeurs et compositrices français différents (Camille Saint-Saëns, Jules Massenet, Gabriel Fauré, Augusta Holmès…). Les textes sont écrits par Stéphan Bordèse qui publiait largement ces compositeurs, dans ses éditions Durand. Ils sont notamment basés sur les évangiles apocryphes et suivent chronologiquement la vie de Jésus. Le cycle est ici augmenté de quelques autres mélodies de la même époque, sur la vierge Marie en particulier. La prière de Jacques de la Presle est donnée en rappel. Le récital passe donc de l’église au théâtre puisqu’Enguerrand de Hys et Paul Beynet l’avaient déjà donné cet été à la Chapelle du Grand Couvent de Gramat. Ils l’ont d’ailleurs enregistré pour le label Rocamadour.
La (Com)passion d’Enguerrand de Hys et Paul Beynet.
Dans sa voix, le ténor porte un regard distancié mais empathique vis-à-vis de chaque élément relaté, en particulier lorsqu’il évoque le christ au cœur du cycle. Il fait ainsi vivre au public les évènements, ne se contentant pas de les enjoliver par la musique. C’est particulièrement saisissant dans le Premier Miracle de Jésus (Saint-Saëns) où la compassion envers la lépreuse réanimée transparait dans la voix ou encore dans Le Rêve de Jésus où la gravité de l’abandon s’oppose à la haine présumée du peuple juif persécutant Jésus, racontée dans l’évangile, appuyée par la puissance et la netteté de la voix. L’excellente qualité de la diction permet d’apprécier la valeur de chaque syllabe et l’intérêt (certes inégal) des poèmes. Un vibrato léger mais parfois trop omniprésent vient légèrement brouiller la limpidité de certains extraits notamment En Prière de Fauré, défaut qu’on ne retrouve pas dans l’enregistrement.
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Le piano de Paul Beynet contribue aussi à l’attendrissement du public par les ambiances enveloppantes qu’il dessine. Dans la Nuit de Noël (piano seul) le jeu sur le rythme marque l’attente du moment dans laquelle s’insère des notes lumineuses. Cette même lumière est retrouvée dans les subtils motifs cristallins qui constellent d’étoiles la magnifique Berceuse des Anges de Charles Lecoq. Ce compositeur et Enguerrand de Hys seront d’ailleurs à nouveau très prochainement à l’affiche de l’Opéra Grand Avignon dans un répertoire plus profane, avec La Fille de Madame Angot.