Cendrillon : un petit pas vers-soie

DANSE – Le ballet Nice Méditerranée, accompagné par l’orchestre maison, ajoute sa magie à celle de Noël, avec cette reprise du ballet signé Thierry Malandain : portrait d’une Cendrillon des temps modernes, épurée mais pétillante, où Marraine la fée, au pied enlevé, devient maîtresse des destins d’exception.

Le conte de fée est au rendez-vous, en cette soirée de réveillon, comme une griotte sur la bûche, un enchantement du regard et de l’oreille, sous la baguette ardente et juvénile de Marc Leroy-Calatayud, galvanisant l’Orchestre Philharmonique de Nice de ses sursauts soigneusement amortis. Le chorégraphe réussit, avec son langage original mais ancré dans l’aérodynamisme de la discipline classique, à proposer au public particulier d’un soir de fête familiale, un spectacle pour tous, prélude à toutes les retrouvailles. Dans sa note d’intention, Malandain déclare avoir tenté « de sublimer l’ordinaire », comprenons : de faire d’une histoire domestique en contexte de famille recomposée, une source d’émerveillement, un instant de grâce.

Voiture-ballet

La mobilisation de l’effectif collectif du ballet, entourant de manière décorative et stylisée les personnages principaux, est un héritage du ballet classique, hiérarchisé en corps symétrique et discipliné, dans lequel l’alternance équilibrée des effectifs prime. Ici, il renvoie aux codes du conte, dont la fonction symbolique, proche du mythe, est d’emporter le collectif. Dans ce ballet-choral, les personnages les plus éprouvés ne sont jamais seuls très longtemps, entourés notamment d’une équipe d’elfes, auréolant de leur sillage corporel les apparitions de la fée, les surgissements oniriques et les déroulements cérémoniels. La narrativité respecte littéralement l’avancée du conte en tableaux distincts, avec des gestes réalistes, proches de la pantomime et au plus près des mots : dont l’essayage de la chaussure, celle des robes ou encore le numéro de « pom pom boys » ou de « majorets » du trio infernal.

La gestuelle, qui guide le placement du centre de gravité des corps, est orientée vers le haut, comme dans le ballet classique. Tout n’est qu’apesanteur, attirance vers les cieux, légèreté des membres, comme placés au sommet de tours sémaphore. Forces grands écarts, pointes, jetés des jambes et couronnes des bras appartiennent à la grammaire classique de la grâce, étroitement ajustés au rythme de la partition, se combinant avec subtilité à des mouvements corporels plus organiques, libres et directement expressifs.

Notes à la chaîne

Le moderne, c’est déjà la partition de Prokofiev, industrielle, dont l’orchestration appelle les sonorités épaisses ou acides de la phalange. Les traits solistes et virtuoses jaillissent sans jamais faiblir, donnant au ballet une bande-son aux effets très spéciaux, panoramiques et cinématographiques. Elle prépare et galvanise de ses vibrations sa propre mise en corps : clarinette, flûte, percussion et piano, habillant la fosse de pied en cape, dans le suraigu et l’hyper-grave.

Le décor appartient également à la modernité, qui tapisse d’escarpins du même modèle et de même pointure les trois murs encadrant la scène. Géométrisés, au nombre de 234, ils sont le prolongement métonymique du conte, objet de désir fétichiste dans une société de consommation, ce par quoi la magie passe et opère dans une société d’illusion.

Un ballet à la pointe

 Pas de tutus ou de haut de chausse côté costumes (Jorge Gallardo), mais des étoffes épidermiques, évoquant la peinture préraphaélite, ou des lamés noirs de dance floor, dans un bal où les femmes sont des mannequins dépourvus de corps et donc de conscience, de désir ou d’amour.

À lire également : Entretien avec Malandain – Danser pour la vie, partie 1

Profondément actuel est le choix de distribuer les rôles de la marâtre et de ses deux filles à des hommes, chauves, bizarrement accoutrés et cambrés. L’âme malfaisante est symbolisée par cette torsion, les béquilles de la mère se donnant comme des jambes artificielles, avec lesquels l’interprète exécute ses pas les plus virtuoses et déhanchés. Enfin, de nombreuses rondes, renouant avec la carole rituelle, n’ont rien de décoratif mais renvoient aux formes originelles de l’énergie vitale, à l’universalité de l’offrande et de la protection.

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