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Yoncheva à Gstaad : feliz new jahr !

RÉCITAL – Au pied des Alpes suisses, la 19ème édition du Gstaad New Year Festival est à nouveau l’occasion de passer la période des fêtes en bien belle compagnie. Dont celle d’une soprano qui montre qu’elle maîtrise beaucoup de langues.  

Franchement, c’est à s’y perdre. Un festival de Nouvel An qui débute juste au lendemain des fêtes de Noël, et qui propose de fêter Noël…au lendemain du Nouvel An. Bon alors, on fête quoi, du coup ? La musique, pardi. Et en grande pompe, ici, dans la vallée suisse de Gstaad, où cette année encore le gratin de la musique vocale et instrumentale s’est donné rendez-vous dans des églises médiévales au charme fou. Parmi ces étoiles venues briller sous un ciel de neige : les sopranos Rosa Feola, Golda Schultz et Lise Davidsen, la mezzo Elina Garança, et les ténors Freddie De Tommaso et Jonathan Tetelman, pour ne citer qu’eux. Sans oublier nombre d’instrumentistes et de jeunes talents qui, un jour peut-être, seront aussi des têtes d’affiches de ce Gstaad New Year Music Festival orchestré par une princesse (rien de moins), Caroline Murat. 

La belle à Babel

Et puis il y a Sonya Yoncheva. C’est elle, donc, la solaire soprano bulgare, qui a pour mission de renvoyer à l’esprit de Noël quelques heures seulement après les agapes toujours généreuses de la Saint-Sylvestre. Une mission dont la vedette du soir, bien connue par le public local (c’est aussi une fidèle du festival d’été, le Menuhin Festival), ne vient pas s’acquitter seule : à ses côtés prennent place une dizaine de musiciens et cinq choristes, tous issus des rangs de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra Royal de Versailles. Voilà qui en fait donc, du monde, sur l’estrade boisée de l’église de Saanen, véritable joyau de dorures et de fresques, dont il faut trouver une bonne raison pour détourner le regard du majestueux orgue se dressant au-dessus de la nef.

© Patricia Dietzi

Une bonne raison qui, ici, s’appelle donc Sonya Yoncheva. Laquelle, tant qu’à souhaiter un bon Noël et une belle année, entend le faire dans toutes les langues. Toutes ? Bon, presque toutes. Mais tout de même. Un peu d’anglais pour commencer ? Voici alors venir Haendel et son Messie. « Je sais que mon Rédempteur est en vie (I know that my My Redeemer liveth) », annonce la chanteuse. Et comme l’on veut la croire et la suivre, là, sur ce chemin de la rédemption, avec sa voix d’un velours à l’extrême suavité, cette amplitude formidable lui offrant d’aller de graves chauds à des aigus célestes avec une aisance déconcertante et sans jamais forcer ses moyens, et puis cette manière de donner à chaque mot sa juste teneur émotionnelle. « What a moving moment ! », doivent alors penser certains, dans le public. 

À en perdre son latin !

Et en français, cela donne quoi ? Le même frisson. D‘un extrait de la Messe Solennelle de Gounod (le très lyrique « Repentir » ), la soprano restitue  toute la puissance émotionnelle, avec une maîtrise du legato plus qu’idéale et ces jeux nuances faisant culminer la voix en de somptueux aigus. Le tout qui plus est dans un français parfaitement intelligible. L’un des grands et beaux moments de cette soirée, sans nul doute. 

Mais l’arrivée de la langue italienne ne gâche évidemment rien à l’affaire. Voici venir du Puccini (et son charmant « Sogno d’Or » ), du Mascagni (l’ « Ave Maria » de Cavalleria Rusticana), et un même ravissement opère : suave,  enivrante, la voix se fait d’une rondeur et d’une luminosité plus prononcées que jamais, avec des teintes aussi scintillantes que cette tenue aux dorures éclatantes que vient alors à porter la soprano (délaissant une robe rouge à longue traine qui avait aussi fait son effet). Une facilité à en perdre son latin, assurément, ce que ne fait pas la principale intéressée : car son Pie Jesu d’Andrew Lloyd Weber est fort bien récité, avec la toute la verve liturgique qui s‘impose, tissée sur le fil d’un mezza voce exquis.

© Patricia Dietzi
Happy new Magyar !

Et la langue espagnole, dans tout ça ? Elle n’est pas oubliée, hombre ! Car le programme, nanti de bien d’autres chants de Noël (dont l’inévitable « White Christmas » d’Irving Berlin), propose aussi d’entendre…un chant de Nativité du Honduras. Son nom ? « Arru, Arrurrú ». Ce qui veut dire ? Qu’importe à vrai dire. Seul importe le charme tout traditionnel de cette mélodie ici interprétée comme une petite berceuse au coin du feu, avec des -r roulés juste comme il faut.

À lire également : Sonya Yoncheva : Marie-Antoinette en drama queen

Voilà donc pour ce Noël et ce Nouvel An célébrés dans toutes les langues, et même en allemand…et en bulgare, en une reprise incontournable du fameux « Stille Nacht… ».  Un concert comme un vrai voyage, dont les artistes de l’Opéra Royal de Versailles prennent bien sûr toute leur part. Les cinq choristes d’abord, avec leur complicité évidente, leurs voix épanouies et sonores, et leurs manières de communiquer par le regard pour mieux chanter en symbiose. Les musiciens ensuite, accompagnateurs dévoués et solistes remarqués à l’occasion, à l’image d’une violoncelliste jouant avec tant d’entrain qu’elle en vient à perdre ses crins d’archets. Et puis il y a le chef, Stefan Plewniak à la direction aussi énergique que le look (avec pantalon et cape en cuir) se fait détonant, lui qui parvient à tirer de ses pupitres les traits les plus éloquents, à l’image de cet Intermezzo de Cavalleria Rusticana, pas si souvent donné en version « de chambre ».    

Autant d’artistes qui, après un ultime Ave Maria en guise de bis, se trouvent largement remerciés par ce qui a valeur de langue commune : de chaleureux applaudissements. 

En bonus : le chant Hondurien, pour les curieux

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