AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - LyriqueChauve-Souris en Hongrie : lettre à ma tante

Chauve-Souris en Hongrie : lettre à ma tante

ÉPISTOPÉRA – Après un nouvel-an mouvementé à l’Opéra National de Hongrie, Ida écrit à sa tante ses voeux de bonne année, et lui raconte au passage ses (nombreuses) péripéties … 

Ma bien chère tante, 

Aujourd’hui, il m’est arrivé une drôle d’aventure, il faut que je te raconte ! J’ai été invitée à un nouvel-an masqué en Hongrie, organisé par le comte Orlofsky, un aristocrate ultra riche et très mystérieux (J’ai entendu Frosch dire qu’il était concerné par des affaires d’évasion fiscale…), dans une demeure magnifique. Alors, je suis venue avec Adèle, qui a pris congé le temps d’une nuit. Notre hôte, le comte Orlofsky… Comment te le décrire… Imagine un drôle d’énergumène un peu autoritaire et très farfelu, qui chante comme il parle, d’une voix de poitrine très puissante. Plutôt impressionnant comme personnage !

Les invités étaient tous admirablement déguisés, et surtout le palais était, oh, splendide ! Tu aurais adoré cet endroit ! Les murs étaient drapés de tentures richement ornées, et au fond de la salle de bal trônait une immense fresque évoquant une bacchanale antique, presque décadente. 

© Valter Berecz / Hungarian State Opera

D’imposants lustres de fer forgé sertis d’une myriade de chandelles diffusaient une lumière tamisée, ajoutant à l’ambiance ! Au centre de la pièce, une statue de marbre, gracile figure féminine drapée, semblait veiller, impassible, sur notre assemblée, pourtant très dissipée !

Ces dames étaient d’une élégance délicieuse : La plupart arboraient de splendides robes de bal, aux tissus chatoyants et rehaussées de dentelles délicates. Leurs atours déclinaient des teintes pastel, allant du jaune éclatant au rose poudré, en passant par des nuances de bleu ciel et de violet profond. Quant à ces messieurs, ils portaient de sobres redingotes, queues-de-pie et gilets richement brodés, savamment assortis à divers masques et coiffes excentriques. 

Vois donc la scène ! Quelle opulence ! Nous avons même eu droit à de la danse, grâce au Ballet National de Hongrie qui s’est déplacé exprès pour l’occasion. J’ai trouvé leur numéro tout à fait exquis, et l’orchestre invité, l’Orchestre de l’Opéra d’Etat, s’est distingué par une interprétation raffinée et nuancée, entonnant certains passages avec un tempo ébouriffant, pour le plus grand bonheur des invités ! D’ailleurs, le comte Orlofsky nous a même fait chanter, chœur de convives ! Ce fut bref, mais quelle aventure !

© Valter Berecz / Hungarian State Opera

Il faut aussi que je te parle du Dr. Falke, ce drôle d’individu ! C’est un grand bonhomme assez impressionnant, chantant d’un baryton très profond mais curieusement doux, avec un regard étonnamment apaisant.

Bon alors, je ne parle pas hongrois, alors j’ai tant bien que mal tenté de suivre toutes ses péripéties, mais j’ai cru comprendre une histoire tout à fait lunaire : 

Paraît-il qu’on le surnomme « la Chauve-Souris » depuis une affaire qui remonte à l’hiver dernier, haute en couleurs ! On raconte qu’après cette fameuse fête, organisée par le comte Eisenstein, notre pauvre Dr. Falke, vêtu d’un extravagant costume de chauve-souris, aurait été abandonné ivre mort sur la voie publique, au petit matin. 

Alors, si j’ai bien tout compris, cette année, il aurait orchestré une vengeance afin de rétablir son honneur…

© Valter Berecz / Hungarian State Opera

Enfin, cela ne m’étonne pas du comte Eisenstein ! Il semble tout à fait charmant, et paraît être un homme respectable, mais figure toi qu’il s’était grimé en Marquis Renard, afin d’échapper à la prison le temps d’une soirée ! Sous ses airs de mari de bonne famille … On marche sur la tête… Mais je l’ai entendu chanter ses déboires, et ô quelle voix ! Il a un timbre de ténor très agréable, juste et touchant, tout naturel ! J’aurais pu l’écouter pendant des heures !

Sa femme d’ailleurs, Rosalinda, s’était elle aussi réinventée pour la nuit, et j’ai entendu dire qu’elle avait entrepris de conter fleurette à son mari sous cette nouvelle identité, espérant le piéger en flagrant délit d’infidélité ! Il faut dire qu’elle aussi chante bien. J’ai été d’ailleurs particulièrement impressionnée par la puissance de ses aigus, couvrant aisément l’ensemble des voix et l’orchestre !

© Valter Berecz / Hungarian State Opera

Oh et Adèle, quelle expressivité ! J’ai été moins séduite par son chant, mais tu aurais dû la voir jouer ! Elle était d’une légèreté déconcertante, absolument hilarante ! Comme Frosch d’ailleurs, tu te souviens ? Mais si ! Le garde de prison un peu fou, ivrogne professionnel. Très peu efficace dans son métier nonobstant, mais quand on est si drôle, a-t-on réellement besoin de travailler ? Je pense que Frank, le ténor directeur de la prison, était tout aussi perdu que lui : c’est à cause de lui que la mascarade de Falke a été révélée ! Pauvre homme, au centre d’une série de quiproquos toujours plus absurdes…

À lire également : Lettre à mon docteur

Enfin, chère tante, tu l’auras compris, cette soirée fut tout à fait rocambolesque, et je ne me suis pas ennuyée ! Tu devines sans peine la fin : tout fut pardonné dans un éclat de rire général, et Eisenstein, pris de court mais bon joueur, reconnut la finesse de l’artifice. Ah ! Quelle mise en scène !

Je te souhaite une très belle année, chère tante, et espère te revoir très vite ! 

Avec toute mon affection, Ida !

Distribution de la Chauve-Souris, à l’Opéra d’État de Budapest

Sur le même thème

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Vidêos Classykêo

Articles sponsorisés

Nos coups de cœurs

Derniers articles

Newsletter

Twitter

[custom-twitter-feeds]