CONCERT – En ce début 2025, Vichy la joue à la Viennoise, en proposant un alléchant Concert du Nouvel An. Et s’il y a de la valse, bien sûr, le reste du programme a de quoi étonner. En place, avec redingote et nœud papillon, bien évidemment.
Après tout, il n’a pas grand-chose à lui envier. Des moulures scintillantes, des teintes majestueuses de beige et d’or, une coupole ceinte d’une couronne de roses au plafond : franchement, pour voir une différence entre l’Opéra de Vichy et le Musikverein de Vienne, il faut être tatillon, non ? Bon, en tout cas, comme dans la capitale autrichienne le 1er janvier, la salle thermale est comble à l’occasion d’un grand concert de Nouvel An où le programme est plus festif que jamais, et où les hôtes sont d’un genre prestigieux : l’Orchestre national de France (ONF) d’un côté ; le fameux et détonant Janoska Ensemble, de l’autre. Du beau monde en somme pour un spectacle de gala qui a de quoi inspirer de nombreux souhaits pour 2025, au cas où l’inspiration manquerait. Alors, à deux pas du non moins fastueux casino vichyssois, place…aux vœux !
Bon la santé, ok…
Mais si on commençait par un peu de bonheur ? Il est là en tout cas, simple et limpide, à l’écoute de ces morceaux de fête que viennent servir avec maestria des musiciens de l’ONF qui ont visiblement bien récupéré des excès gastronomiques de fin d’année. Il y a là des extraits du Baron Tzigane, opérette signée Johann Strauss II (le fils, quoi), puis des Danses du moins connu mais tout aussi talentueux Zoltán Kodály, et tout déjà n’est qu’emballement et bouillonnement, aux cuivres comme chez les cordes. Le rythme se fait lui d’une langueur exquise avant que, dans l’élan dicté par de subtils pianissimo, l’heure soit enfin à la valse. Alors l’esprit s’enjaille, les têtes commencent à chavirer, et si le monde continue de tourner, c’est à trois temps seulement. Une musique comme un bonheur, que l’on veut donc pouvoir réécouter sans modération tout au long de l’année à venir (et pourquoi pas de la valse le jour de la fête de la musique, après tout ?)
Mais pour 2025, il convient aussi de se souhaiter de nombreux voyages. Tel celui auquel invitent ces Danses Hongroises de Brahms qui garnissent aussi le menu du soir, version goulash et tokaj. Des tuttis de cordes volcaniques, des timbales percutantes et puis des vents qui viennent rajouter au triomphe de l’élan collectif, sans compter ces accelerandos qui arrivent après de soudains ralentissements de rythme. Si l’affaire dictait le tempo d’une croisière sur le Danube, il y aurait de quoi avoir le mal de mer ! Mais c’est de la musique, c’est Brahms inspiré par la culture tzigane, et c’est un dépaysement opéré en première classe comme seules des partitions savamment interprétées peuvent en offrir. Vivement les Danses espagnoles de Granados ou la Symphonie Italienne de Mendelssohn !

En 2025, après une année 2024 bien trop anxiogène, il faudra aussi à tout le monde une bonne dose de poésie. Comme celle qui transpire, là, dans ce Beau Danube bleu dont personne ne se lasse, lui qui se trouve ici interprété avec toute la souveraineté sonore requise. Les cordes répondent aux cuivres, les violons discutent avec les flûtes le cigare au bec, les nuances montent peu à peu en intensité, et puis enfin un tutti saisissant vient achever la narration de ce conte fantastique au happy end flamboyant. Un poème en musique comme on les aime !
Ça c’est du sport !
Et pourquoi pas une nouvelle année riche en surprises, aussi ? À la manière de celles concoctées ici par le Janoska Ensemble, dont les membres (des frères et beaux-frères) ne manquent pas d’imagination ! Viennent-ils jouer du Paganini, du Bach ou du Strauss ? Alors ce sera à leur manière, c’est-à-dire dans un style jazzy, teinté de musique traditionnelle balkanique, avec une petite dose d’improvisation qui convie Michel Legrand, Yves Montand, Edith Piaf et même les Beatles. Savoureux moments, ainsi, que cette interprétation d’une Suite de Bach où, soudain, affleurent des notes de Yesterday, sans oublier cette Czardas de Monti entrecoupée du refrain de la Méditation de Thaïs de Massenet (sublimement jouée par la violoniste solo de l’ONF, Sarah Nemtanu). Quand la musique classique se trouve revisitée par quatre musiciens au talent fou et à l’audace sans limite, voilà qui a de quoi surprendre…et surtout réjouir.
Enfin, santé oblige, 2025 sera aussi placée sous le signe du sport. À la manière de celui pratiqué par les frères Janoska, Ondrej au violon, Františekau piano, Roman au violon et Julius à la contrebasse. Ce n’est pas que leurs doigts bougent sur les touches et les cordes : non, ils sautillent, ils bondissent, ils font du saut d’obstacle en passant en mode piziccati, et tout cela en visant toujours juste. Il y a aussi les mouvements du chef de l’ONF, Cristian Macelaru, non moins vifs et frénétiques, qui savent toujours donner le bon tempo et dicter la juste ambiance, que celle-ci soit classique ou jazzy, dansante ou rêveuse. À voir toutes ces mains et ces bras s’agiter, on se dit que la musique, c’est aussi du sport, assurément. Mêlé, ici, à une épatante virtuosité.
À lire également : La 9e de Beethoven : et au bout du compte, la joie ?
Ainsi, au terme de ce spectacle comme une authentique liste de vœux, le public, debout pour applaudir, en fait un autre : que de tels artistes puissent revenir souvent sur la scène du Musikve…pardon, de l’Opéra de Vichy.