CONCERT – Avant l’heure des vacances, l’Opéra de Saint-Étienne propose un dernier concert où il est question de joie, de liberté, et d’hymne à l’Europe. Le public vote pour, et ne manque pas de manifester son contentement au terme de l’idéale exécution d‘une œuvre qui est un sacré numéro.
Une
À la une de l’actualité de l’Opéra de Saint-Étienne en cette fin d’année, et avant les réjouissances prometteuses de l’an prochain (les opéras Thaïs et Samson et Dalila sont notamment attendus), il y a donc Beethoven. On a connu pire avant de partir en congés, d’autant que c’est bien l’une des plus fameuses symphonies du maestro allemand qui est ici donnée, à savoir la n°9.
Deux
Et de deux, peut d’ailleurs dire cette œuvre majeure du répertoire classique, qui vient de passer le cap des deux siècles d’existence. Une masterpiece dont la composition avait été le fruit d’une longue maturation, la précédente symphonie de LVB ayant créé dix ans en arrière (1814), et même vingt pour la fameuse « Héroïque » (1805), initialement dédiée à Napoléon 1er avant que celui-ci ne prenne la fâcheuse initiative de s’autoproclamer empereur.
Trois
Mais ces affaires de « dédicaces » sont évidemment trois fois rien au regard de ce qui compte par dessus tout, à savoir la puissance du propos musical, qui atteint une forme d’apogée dans cette partition dont les musiciens de l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire s’emparent avec toute l’énergie l’expressivité requises.
Quatre
Dans une œuvre où il convient littéralement de se plier en quatre pour interpréter autant de mouvements, la phalange conduite à un rythme soutenu par Giuseppe Grazioli dépeint idéalement l’ensemble des couleurs qui transpirent dans une musique ici triomphale et vibrante, là davantage tourmentée et introspective. Disposés à la « Viennoise », les violons se faisant face de part et d’autre de la scène, avec entre eux violoncelles et violons devant vents et percussions, les instrumentistes ne lésinent pas dans la vigueur des coups d’archets ni dans l’énergie de leur souffle. Ainsi, à des fortissimo passionnés, dans les deux premiers mouvements, notamment dans un éruptif Molto vivace aux timbales claironnantes qui rappellera à quelques-uns une pub pour des gâteaux au chocolat (mais oui !), répondent des nuances bien plus évanescentes dans un Adagio du troisième mouvement joué tel une respiration avant l’éclatant bouquet final.
Cinq
Et si le message musical passé par l’orchestre est reçu cinq sur cinq, avec une ferveur sonore allant crescendo, les solistes vocaux, bien plus furtivement, trouvent à se faire remarquer en prenant littéralement le train en marche (ils arrivent en trottinant, façon mise en scène d’opéra, au cœur du dernier mouvement). De ce quatuor de solistes, et parce qu’elles sont aussi les plus sollicitées, les deux voix d’hommes se détachent. D’abord celle solidement charpentée et vigoureusement projetée du baryton Florent Karrer, appelant à célébrer « l’étincelle divine » de la joie ; puis celle, tranchante et claire de timbre, du ténor Julien Henric. Chez ces dames, la soprano Marion Grange s’illustre par la prestance et les frais atours de son jeune outil de soprano, quand Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, dans un allemand d’aussi bonne facture que celui de ses camarades, use avec justesse et éloquence d’un fervent mezzo.
Six
Qui c’est le plus forts évidemment c’est les vers…de Schiller !
Des voix au rendez-vous de l’intensité, donc, avec ces quatre solistes qui, plus l’orchestre et l’impeccable et puissant chœur préparé par Laurent Touche, font donc six. Soit six piliers d’une symphonie livrée dans tout ce qu’elle a de plus fiévreuse, de plus enflammée, de plus fascinante, chaque nouvelle écoute générant aussi cela : une fascination renouvelée.
Sept
De cette œuvre qui aurait sans doute sa place dans le classement des sept merveilles du monde de la musique classique (votre serviteur y placerait aussi la 2ème symphonie de Mahler et le 2ème concerto pour piano de Rachmaninov, mais c’est une autre histoire), les artistes servent ainsi parfaitement les intérêts musicaux autant que poétiques, avec ces vers de Schiller si universels dans leur pacifique tonalité. Une enivrante Ode à la joie devenue hymne du Conseil de l’Europe en 1972, et donc l’écho mériterait d’être plus percutant que jamais en ces temps incertains.
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Huit
Ainsi défilent les 80 minutes d’une exécution façon grand huit, avec ses montagnes russes de nuances, de couleurs, de transports émotionnels, et cette puissance musicale dont jamais la tension ne retombe, pour culminer en un tutti vocal triomphal à faire s’hérisser les poils.
Neuf !
Alors, de ce concert comme une délicieuse parenthèse, l’on ressort le cœur tout…neuf, bien évidemment. Et, après avoir repris son souffle, c’est tout une salle qui salue des chanteurs et instrumentistes stéphanois sur qui, à l’heure de sortir le grand jeu sonore, l’on peut assurément compter.