Requiem mort-vivant à Marseille

CONCERT – Le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra de Marseille avec leur directeur musical Michele Spotti donnent le Requiem de Giuseppe Verdi. Les chanteurs solistes sont Angélique Boudeville, Anna Goryachova, Ivan Ayon-Rivas et Simon Lim. 

Écrit par un compositeur éloigné de la religion et de l’Église, le Requiem de Verdi traite au moins autant de la douleur des vivants que du repos sacré des morts. C’est dans cette lecture en clair-obscur que se situe l’interprétation du jour, servie par un plateau engagé dans son entièreté. Michele Spotti souffle sur les braises passionnées de la vie, comme il apaise les âmes dans un velours éthéré.

Le repos des morts

Dès le début de l’Introït, les cordes pianissimos enveloppent la salle comme une nuée d’encens. Le choeur discret, presque comme un murmure prononce les premières phrases latines. L’effet d’omniprésence est renforcé par la qualité des équilibres qui permet d’entendre distinctement chaque chuchotement des instruments comme des choristes. La nature implacable du jugement est affirmée dans le Mors Stupebit par la projection de la basse Simon Lim et son timbre droit et profond. L’Offertoire est amorcé avec une retenue soulignée par le raffinement des cordes. Anna Goryachova et Angélique Boudeville chantent un Sanctus où se mêlent harmonieusement la justesse de leurs voix, dès le départ a capella qui contraste avec le tutti orchestral du passage qui précède. Leur interprétation tout en finesse laisse dans leur voix l’espace pour la contemplation. Elle se poursuit pour la mezzo-soprano Anna Goryachova dans le lux aeterna, où la souplesse et la continuité de sa voix potentialisées par son souffle emportent une nouvelle fois l’auditeur dans la chaleur de son timbre. 

© Christian Dresse
Le cri des vivants

Dans ce Requiem construit en contrastes, le feu de la vie revient à la charge. La dynamique des tempi et la netteté des cassures clairement indiquées par Michele Spotti contribuent à matérialiser sa fugacité. Cela est notamment audible dans le dies irae et ses reprises qui commencent avec un chœur légèrement faible en termes de volume ce qui renforce l’effet du fortissimo qui suit mais rend un peu moins naturelle la progression. Si l’unité des choristes apparait légèrement perfectible quand le chœur est le plus exposé, la masse de l’orchestre et l’ajout des solistes estompent cette impression. La dynamique est poussée par la netteté et la puissance des cuivres et des percussions. Les cuivres contribuent également à la couleur du Tuba mirum éclairant la mort tel un coucher de soleil. La position des trompettes dans les loges y renforce l’effet d’appel.

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L’élan vital est aussi insufflé par les voix, à commencer par les aigus poussés déchirants de la soprano Angélique Boudeville, exprimant la colère et la peur dans le bouleversant Libera me ou encore la supplication dans le Recordare. La reproductibilité de la mélodie comme du rythme avec sa partenaire Anna Goryachova offre des duos bien équilibrés, comme des passages de relais. C’est aussi le cas des quatuors avec les voix masculines. La puissance du ténor Ivan Ayon-Rivas contribue à éclairer les séquences où il intervient même si la voix apparaît quelque peu nasale et avec un léger manque d’ouverture. Pour rapporter la vie à ce Requiem marseillais, c’est le public qui, après le dernier accord du Libera me et le fondu decrescendo de la soprano, fait vibrer la salle d’applaudissements…à réveiller les morts !

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