OPÉRA – Norma, sous la direction d’Anne Delbée, s’invite à l’Opéra de Bordeaux jusqu’au 6 février. Norma est la prêtresse d’un village d’irréductibles Gaulois résistant encore et toujours à l’envahisseur. Quoiqu’à s’y méprendre, il s’agit bien du chef-d’œuvre de Bellini. Notre héroïne a secrètement aimé Pollione, un proconsul romain. Après la naissance de leurs enfants, celui-ci s’éprend de la jeune Adalgisa. Norma doit choisir : résister à Rome, protéger son peuple ou se venger. À moins qu’elle ne fasse les trois ?
Il était une fois dans un village pas si gaulois
Anne Delbée abandonne le folklore gaulois pour des décors abstraits et minimalistes. Les néons monochromes installent une ambiance austère et spirituelle, concentrant l’attention sur la musique. Nouveau venu dans cette version : le Dieu Cerf, incarné par Valentin Fruitier, récite quelques vers celtiques. Majestueux, il traverse le récit comme un spectre à l’influence mystérieuse, donnant lieu à des tableaux saisissants. Une modernisation habile qui séduit par moments, mais qui perd parfois en clarté.

Norma en rade de potion magique
Dans une volonté de faire du neuf, la mise en scène tombe parfois dans la facilité. L’utilisation de la vidéo, souvent choisie pour dépoussiérer des classiques, n’est pas toujours une réponse à tout. Les images de dos et de torse nus, censées être érotiques, évoquent davantage une publicité pour parfum qu’un véritable outil dramatique. L’anachronisme de ces éléments semble un peu gratuit et sans grande portée. Le reste de la mise en scène, plus subtil et efficace, se suffit largement à lui-même.

Entre menhirs et mezzos : le bel canto sublimé
L’essence de cet opéra réside dans le bel canto, le genre qui met la voix le plus à l’honneur. Une partition explosive qui exige une technicité implacable (ainsi qu’un coffre bien accroché). Souvent incarnée par une soprano, c’est la mezzo Karine Deshaye qui incarne la prêtresse. Elle livre une performance époustouflante, avec une voix puissante, chaleureuse et une présence scénique sans fausse note. Son duo avec la jeune Adalgisa (Olga Syniakova) est aussi touchant que remarquable.
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Anne Delbée livre une version de Norma moderne et audacieuse, à la qualité sonore indiscutable. La mise en scène offre de vrais moments de majesté, rendant la tragédie encore plus saisissante. Mais ce sont surtout les chanteurs et chanteuses que le public bordelais a ovationné. Mention spéciale au duo féminin, ainsi qu’à Goderdzi Janelidze et Jean-François Borras, respectivement le père de Norma et son amant.