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Escapades musicales à Vichy : l’orchestre fait mouche !

CONCERT – Pour l’un de ses deux grands concerts annuels donnés dans l’incomparable décor de l’Opéra thermal, l’Orchestre d’harmonie de Vichy, formation mêlant musiciens professionnels et amateurs, invite son nombreux public à faire un grand voyage. Et même des bêtes volantes se prennent au jeu.             

Appelons la Célestine. Madame est une mouche d’un genre pas vraiment tsé-tsé, moins encline à se laisser gagner par le sommeil qu’à profiter de tout instant qui se présente pour aller bourdonner là où l’air veut bien la porter. De passage à Vichy, elle voulut aller faire un tour aux cures, mais celles-ci étant fermées, elle craint que son dimanche ne tombe à l’eau. Avant de voir une affiche ne promettant rien de moins qu’un vol immédiat jusqu’à l’Espagne, et même le Mississippi. Le tout au départ de l’Opéra de Vichy. Alors les ailes de Célestine ne firent qu’un tour (et même plusieurs) : c’est bien là-bas qu’il fallait aller !                                                                                                                        

Escadron volant

Et quel ne fut pas son bonheur, en franchissant discrètement (et sans s’acquitter du moindre ticket, la fourbe !) les portes de l’imposante bâtisse, renfermant une salle aux dorures scintillantes et à la coupole majestueuse. Une salle qui était pleine, en l’espèce : ça en faisait des têtes au-dessus desquelles voler. Mais, Célestine étant curieuse, elle décida surtout de s’approcher des vedettes du jour : les musiciens de l’Orchestre d’harmonie de Vichy, qui avaient l’air de (grandes) copines à elle, avec leurs costumes noirs bien ajustés sur des chemises blanches sans faux pli. Des artistes qui avaient la classe, et qui devaient donc se faire les pilotes de luxe d’un voyage vers l’ailleurs.

© Pierre Géraudie

Quitte à partir, autant commencer par voler loin, d’ailleurs. Direction les States, avec la Suite Mississippi du méconnu Ferde Grofé, compositeur américain qui n’était pas seulement un copain de Gershwin, mais surtout un as de la composition. Alors Célestine, pour mieux s’enivrer des parfums du Midwest, décida de s’approcher un peu de ses nouveaux amis dont elle s’étonna qu’aucun ne mania d’instrument à cordes. Et pour cause : cet orchestre étant une harmonie, point de violons ou de violoncelles, sinon une douce harpe ou une imposante contrebasse, pour jouer au besoin quelques pas d’éléphants qui ne seraient pas de trop sur des routes exotiques et méconnues.

Mississi-pic !

Telle celle longeant ce fleuve Mississippi, donc, que Célestine crut immédiatement survoler en frôlant des cuivres rutilants, des bois d’une fraîcheur exquise, et des percussions donnant le tempo au rythme exalté d’un cheval de cow-boy. S’agissait-il de décrire la paisible naissance du fleuve dans le Minnesota, sa croissance au gré des états traversés à la manière d’Huckleberry Finn, et sa grande rencontre avec l’océan un jour de Mardi Gras à la Nouvelle-Orléans ? Alors l’effet est réussi, par la grâce d’un jeu tout en allant et vives attaques, par des balances de tempos et de nuances idéales, et par le juste équilibre sonore trouvé par Joël Jorda, un chef qui dirige sans baguette mais non sans magique pouvoir sur des musiciens même pas fatigués après avoir descendu 3.800 km en plein cagnard (même les hautbois et clarinettes n’ont pas mal… aux anches). Célestine l’aurait-elle fait, elle ? 

Avec le bonjour de Sarah Bernhardt  !      

En tout cas, cette dernière est ravie d’un voyage qui la ramène ensuite en Europe, le trajet étant agrémenté d’une toujours exquise Pavane pour une infante défunte de Ravel, introduite par un cor appliqué et sublimée par des pupitres donnant là davantage dans la retenue et la tendre mélancolie. Mais voilà arriver l’Espagne, donc, avec le Capriccio espagnol du…Russe Rimski-Korsakov, puis l’Allemagne et ses mystérieuses forêts du nord, avec le Ballet du Faust de Gounod. À l’écoute de la première pièce, voilà Célestine gagnée par un genre d’ivresse, avec cette envie de tourner en rond comme dans une folle farandole, sur un tempo vif d’abord, évoquant une musique de film façon western (et quelle synchronisation des percussions, alors !), puis sur un rythme bien plus Andante ensuite, mais en tout cas toujours entêtant. Une envie de faire battre ses ailes aussi, et cette fois à trois temps, à l’écoute du ballet faustien qui s’ensuit, là aussi une pièce bien plus connue dans sa version symphonique, mais dont l’épatante harmonie, ici, sait restituer les couleurs mélodiques, les teintes énigmatiques du mythe de Walpurgis, et tous les traits rythmiques. En clair, tout la moelle opératique. Pour un peu, l’on croirait voir arriver Marguerite et Faust, avec Mephisto tapi dans l’ombre. 

Une transition toute trouvée vers un autre moment savoureux de ce concert : l’interprétation de l’ouverture des Vêpres siciliennes de Verdi.  Un sacré morceau, dans cette salle lyrique qui avait ouvert ses portes il y a plus de 120 ans avec du Verdi, déjà (mais c’était Aïda). Alors, en volant entre Sarah Bernhardt et Mounet-Sully, dont les visages sont peints au niveau de la coupole, Célestine est à nouveau saisie par l’autorité et la prestance sonore émanant de l’orchestre, avec des cuivres jouant aux violons, des saxophones se substituant aux violoncelles, mais des instrumentistes s’évertuant surtout à être eux-mêmes, c’est à dire des musiciens appliqués, soucieux des équilibres entre pupitres et du respect d’un esprit lyrique et triomphal que Verdi himself n’aurait pas renié. 

À lire également : Vichy : boléro, concerto et musique à gogo !

De quoi finir de réjouir Célestine et un public tout entier, invité à prolonger le voyage jusqu’à la Russie des grandes heures du Mariinski, avec la Valse des fleurs du Casse-Noisette de Tchaïkovski, puis jusqu’en Angleterre, avec l’une des Variations Enigma de sir Edward Elgar orchestrée par Christian Legaydeur (qui dirigea durant plus de quinze ans la formation vichyssoise). Comme à son habitude, l’OHV a donc fait mouche, et Célestine comme tous les amateurs de musique ont déjà hâte de retrouver ses musiciens cet été, au cœur du domaine thermal, pour des concerts hebdomadaires de plein air qui sont, là aussi, l’occasion de jolies escapades musicales. 

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