DISQUE – Les ensembles Les Timbres et Harmonia Lenis conjuguent leur art dans un enregistrement ciselé de trios de Georg Philipp Telemann, compositeur baroque au génie discret mais sacrément efficace.
Reconnu en son temps comme l’un des musiciens les plus brillants d’Europe, Georg Philipp Telemann est aujourd’hui curieusement sous-estimé. Pourtant, ce compositeur fécond et libre – qui joua contre l’avis familial pour vivre de la musique – a laissé une œuvre immense, traversée d’une clarté joyeuse et d’un goût du partage. Sa musique de chambre, pensée pour les amateurs éclairés du XVIIIe siècle, allie simplicité apparente, richesse de textures et grande inventivité. Plus que savant, Telemann était subtil. Moins démonstratif que certains de ses contemporains, il savait toucher par la justesse d’un trait, d’un souffle, d’un ornement.

Deux ensembles, dix musiciens, un geste commun
C’est précisément cette délicatesse ornementale que Les Timbres et Harmonia Lenis explorent ensemble, en s’appuyant sur les Sonate metodiche et les Trietti metodichi, dans lesquels Telemann donne lui-même des exemples d’ornementations. Ils s’emparent ici de six trios dédiés au duc Frederic II de Saxe, alors directeur de la musique à Francfort, dans un enregistrement édité chez Flora. Dix instrumentistes s’y répondent avec finesse, portés par un même souffle et le plaisir du dialogue. Le travail sur l’ornementation est ici à la fois rigoureux et vivant. La précision de Telemann sert ainsi de tremplin pour une musique qui, dans les mouvements lents surtout, semble improvisée tant elle respire librement. On admire la façon dont les violons de Yoko Kawakubo et Yuki Koike s’emmêlent dans le Trio IV en ré majeur TWV 42:D1, ou comment le hautbois d’Antoine Torunczyk charme dans la Siciliana du Trio I TWV 42:B1. La claveciniste Akemi Murakami, tout en nuances, dialogue avec la flûte à bec dans le Trio VIII TWV 42:B4, dans un jeu d’ornementation aussi fluide que naturel.
Une musique qui se savoure
Il serait vain d’énumérer toutes les subtilités techniques qui rendent cet enregistrement si savoureux. Car tout est là : dans l’équilibre, dans la limpidité, dans cet art d’enrober chaque phrase d’une touche discrète, jamais gratuite. Les Timbres et Harmonia Lenis rendent justice à un compositeur qui, loin de la grandiloquence, savait que la musique la plus sincère est souvent celle qui semble la plus simple. Comme une recette ancienne, transmise avec soin.
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Pourquoi on aime
- Une interprétation à la fois érudite et naturelle
- Une belle (re)découverte du style de Telemann, ornementé avec goût
- Un jeu collectif élégant, plein de vitalité
C’est pour qui
- Les amoureux du Baroque curieux d’approfondir leur écoute
- Les musiciens sensibles aux subtilités du contrepoint et du phrasé
- Tous ceux qui pensent que la musique de chambre est un art du partage

