CONTE Merveilleux d’initiation à la musique, à la danse et au chant, au Festival Dans les Jardins de William Christie :
Il était une fois, au cœur d’un jardin où les arbres s’entremêlaient aux fleurs, un farfadet nommé Till. Au creux des fougères et sous la voûte protectrice des grands arbres, Till menait une vie paisible, veillant sur les perles de rosée et chassant les ombres malicieuses qui se glissaient entre les ifs en topiaires. Ce jardin, pourtant, recelait un secret encore plus précieux que les trésors cachés dans la terre noire : deux fois par an, il était le théâtre de concerts aussi inopinés que merveilleux, offerts par un maître dont l’art illuminait les lieux.
Le maître du jardin, un musicien aux cheveux argentés que tous appelaient Bill, possédait le don rare de transformer chaque recoin de son domaine en scène vivante. Grâce aux musiciens de son ensemble « Les Arts Florissants », les instruments, les voix résonnaient tour à tour sous la ramure d’un petit bois, au sommet d’une pinède odorante, à l’abri d’une arche de pierre, sur la terrasse ensoleillée, ou encore à la lisière d’un ruisseau chantonnant. Till, curieux comme un brin d’herbe qui pointe après la pluie, attendait ce moment avec grande impatience.
Découverte dans le petit bois
Alors que le soleil jouait à cache-cache avec les nuages, Till, tapi dans sa galerie, perçut un doux son qui s’élevait du petit bois d’Henry-Claude. Intrigué, il s’approcha sur la pointe des pieds, effleurant à peine la mousse. Heureux d’être invisible aux yeux des humains, il se glissa derrière un tronc et découvrit deux musiciens, assis sur une souche, l’une jouant du violoncelle et l’autre de la contrebasse, entremêlant leurs deux basses chantantes. Puis d’autres musiciens arrivèrent menés par deux ménestrels endiablés, jouant des airs qui semblaient endormir le vent lui-même.
Ce fut pour Till une révélation. Jamais il n’avait entendu pareille harmonie. Il sentit la musique frissonner le long de ses bras et remplir son cœur d’une chaleur nouvelle. Dès lors, il décida qu’il assisterait à tous les concerts organisés par son maître, quels que soient l’heure ou l’endroit.

Les sons de la pinède
Till suivit les invités jusqu’à la pinède. Là-bas, les pins se courbaient doucement sous la brise, et Maître Bill était assis à son instrument de prédilection, le clavecin, entouré de son plus fidèle disciple et chanteur Paul et de deux autres musiciens, un violon et un violoncelle vibrant entre leurs mains. Les notes s’enroulaient autour des troncs, dansaient dans l’air, et le farfadet sentit ses pieds le démanger. Sans même y penser, il se laissa entraîner par le rythme, sautillant entre les pommes de pin, inventant une danse légère et joyeuse, lui rappelant son séjour en Écosse chez son cousin le caraquin. Maître Bill, d’un clin d’œil complice, adapta sa mélodie aux pas du petit farfadet. Cet après-midi-là, le farfadet découvrit aussi le plaisir de la danse, cette langue du corps qui répond à celle des instruments en suivant les conseils d’un maître à danser lors d’une Promenade galante.

Sous l’arche enchantée
Le jardin, jamais à court de surprises, invita Till à de nouvelles découvertes. Les rayons du soleil filtraient à travers la dentelle des feuilles, dessinant des ombres qui valsaient sur l’herbe. C’est sous une arche qu’il découvrit une jolie bergère. Juliette, la soprano à la voix cristalline, expressive et délicate, accompagnée par le doux son du traverso ou du théorbe, chantait des chansons anciennes appelées brunettes. Till, tout d’abord timide, osa s’approcher. Il écouta la voix de Juliette, s’essaya à répéter quelques notes, d’abord en chuchotant, puis, encouragé par le sourire bienveillant de Leïla avec qui il bénéficia de quelques notions lors d’un atelier participatif autour de l’Opéra Français, se mit à chanter lui aussi. Sa voix, fragile comme le souffle du vent, finit par trouver assurance et clarté. Les oiseaux applaudissaient de leurs trilles. Ainsi, le farfadet s’initia peu à peu à l’art du chant, découvrant que la voix pouvait exprimer la joie, la nostalgie ou l’émerveillement.
Concert sur la terrasse
En fin de journée, alors que le jardin frémissait de lumière, Maître Bill convia ses invités et les habitants invisibles du jardin à un concert sur la grande terrasse, réunissant l’ensemble des musiciens. Des pots de fleurs formaient un parterre coloré, et les rayons du soleil caressaient la viole de gambe de la maîtresse de cérémonie. Till, tout à sa nouvelle passion, s’avança timidement, bien décidé à participer au spectacle dédié à l’un des plus grands compositeurs français de l’époque baroque : Jean-Philippe Rameau. Ce fut un instant magique où musique et chant se mêlèrent dans une euphorie partagée. Les fleurs semblaient s’incliner à chaque note, le vent retenait son souffle, et même le chat du jardin s’arrêta pour écouter. Dommage qu’une averse s’invita à la partie mais les Boréades chassèrent rapidement ce mauvais nuage.

Murmures près du ruisseau
À l’approche de l’automne, la pluie revenait et interrompit les réjouissances plus tôt que prévu. Heureusement, Till pu profiter des derniers concerts et s’installa près du ruisseau pour écouter des extraits d’une œuvre entièrement dédiée à la nature, interprétés par un sextuor à cordes. Till, émerveillé, sentit la musique résonner avec les murmures naturels du ruisseau. Puis il découvrit un drôle d’instrument appelé clarinette de basset au son doux et moelleux se mêlant harmonieusement aux quatre autres instrumentistes du quintette. Une fois seul, Till sortit son Yuka de sa poche et, accompagné par le clapotis de l’eau, improvisa une suite de notes cristallines. Inspiré, le farfadet laissa libre cours à sa créativité. Il inventa une danse nouvelle tandis que sa voix se mêlait aux sons de la nature.
L’héritage du jardin
Les saisons passeront, mais les concerts continueront à animer les recoins du jardin merveilleux. Le farfadet, fort de ses apprentissages, transmit à son tour la magie de la musique aux créatures invisibles de la nature. On raconte que, certains soirs, il suffit de tendre l’oreille pour entendre, au détour d’un buisson, une mélodie légère, un chant timide ou le rythme d’une danse lointaine. Ainsi, dans ce jardin enchanté, la musique n’est jamais loin : elle attend, tapie dans l’ombre d’une feuille, que quelqu’un – humain ou farfadet – ose la découvrir, la danser, la chanter, pour que le monde, un instant, s’émerveille à nouveau.
Par ordre d’apparition :
- Bassi cantabili : Magdalena Probe (violoncelle) et Alexandre Teyssonnière de Gramont (contrebasse)
- Trust the Wind : Thomas Dunford et Douglas Balliett
- Haydn’s Scottish songs : Paul Agnew (ténor), Ravenna Lipchik (violon), Félix Knecht (violoncelle), William Christie (clavecin)
- Dans un bois solitaire : Juliette Perret (soprano) Gabrielle Rubio (traverso, théorbe)
- Carte blanche à Myriam Rignol (viole de gambe) : portrait de Jean-Philippe Rameau. Cyril Auvity (ténor) Compositions de Douglas Balliett
- Scène au bord du ruisseau, proposé par Joseph Carver (contrebasse)
- Quintette avec clarinette de Basset de Mozart, proposé par Damien Launay (violoncelle) Emily Worthington (clarinette de basset)
Et pour les ateliers participatifs :
- Découverte dansée : promenade galante – danse, chant et poésies autour des fleurs, proposé par Pierre-François Dollé (danseur et chorégraphe)
- Atelier chant : L’opéra Français – quand les arts adoucissent les mœurs… voyage en « Art-légorie » proposé par Leïla Zlassi (soprano)

