AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - DanseSwan Lake de Matthew Bourne : bad boys

Swan Lake de Matthew Bourne : bad boys

DANSE – Trente ans après avoir révolutionné le ballet mythique classique, le Swan Lake de Matthew Bourne revient jusqu’au 26 octobre à la Seine Musicale. Insolent, sensuel et très moderne, une claque à voir et revoir sans modération. 

En 1995, le chorégraphe britannique Matthew Bourne bousculait les conventions de la danse classique en imaginant un Lac des cygnes masculin. Fini les tutus blancs vaporeux, les pointes et les femmes-cygnes gracieuses, place à des danseurs masculins au crâne rasé avec une raie noire sur le front, torse-nu, des pantalons à plumes blanches, qui forment une meute sauvage et fascinante. La danse est tellurique, ancrée au sol, violente et charnelle. Ces cygnes-là ne s’envolent pas : ils frappent le sol, grattent la terre et bondissent. Primitifs et magnétiques, ils incarnent la liberté face à un prince seul emprisonné dans sa cage dorée.  

Interdit familial

Mais l’audace va plus loin. Matthew Bourne transpose l’histoire dans la cour royale britannique, en pleine ère Charles, Camilla et Diana. Son prince, étouffé sous le poids des obligations royales, des conventions sociales, des paparazzis et d’une maman glaciale toute puissante, rêve d’échapper à son destin royal. Entre une starlette écervelée qui se comporte grossièrement, un homme cygne magnifique croisé une nuit dans un parc londonien (après un détour dans un cabaret lugubre et beaucoup d’alcool…), et une mère tyrannique qui le rejette, le voilà tiraillé. L’histoire d’amour n’est plus celle entre un prince et une femme-cygne, mais homo-érotique et transgressive : le prince découvre enfin qui il est, au contact d’un cygne beau gosse incarnant l’amour interdit. Et surtout la liberté. 

© Johan Persson

Film de genre

Le génie de Bourne est d’avoir rendu la danse accessible à tous en la mêlant au théâtre et au cinéma, avec quelques clins d’œil à Hitchcock (Psychose, Sueurs froides) avec le double et la folie obsessionnelle. L’humour surgit partout : les corgis de la reine trottinent sur roulettes, la petite amie blonde pulpeuse prend des selfies et fait sonner son portable en plein spectacle, les paparazzis mitraillent tout et tout le temps. Tout est super lisible sans besoin de paroles. La pantomime règne !

© Johan Persson

Les danses de la cour sont froides et mécaniques, pour mieux souligner le vide émotionnel que ressent le prince. Et quand le prince souffre vraiment, il enchaîne des solos recroquevillés à même le sol. Sa mère surgit, impassible, sur pointes, enchaînant des arabesques dédaigneuses. Il tente de l’étrangler mais il n’y arrive pas. Tuer le père serait-il plus facile que tuer la mère…?

La mort aux trousses

Le dernier acte est le plus réussi. Le magnifique homme-cygne se rend au bal royal et flirte ouvertement avec la reine. Fou de jalousie, le prince perd totalement le contrôle, sort le pistolet et tue par accident sa fiancée. Interné, le prince va y laisser sa peau. La scène finale est bouleversante : le prince retourne une dernière fois au fameux lac, quelque part entre rêve et réalité. La meute de cygnes, jadis fascinante, devient menaçante et violente. Son amoureux cygne tente de le sauver, mais la violence du monde les sépare à jamais. Le lendemain, la reine découvre le corps de son fils, et pour la première fois, le serre contre elle. Mais il est trop tard.  

© Johan Persson

Joyau de la couronne

Couronné par plus de 30 récompenses internationales (dont trois Tony Award), ce Swan Lake, âgé de 30 ans, mérite d’être redécouvert. La reine Elizabeth II, elle-même, l’avait proposé au Royal Variety Performance, avant d’anoblir son créateur en 2016. Avec l’homosexualité au cœur du Lac des cygnes, il fallait oser faire d’un grand classique le miroir d’un amour impossible, dans une société qui étouffe la différence.

À lire également : Roméo + Juliet : trash-édie

Le vécu intérieur d’un homme qui n’a pas le droit d’aimer comme il est. N’a-t-il pas inspiré le film Black Swan en 2010, avec le sacrifice final comme libération ? Après avoir adoré son Romeo+Juliet au Châtelet en mars 2024, on succombe à nouveau à cette création de Matthew Bourne, trop rarement jouée en France. 

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