COMPTE-RENDU – Une salle qui se lève pour applaudir… alors que le concert n’a pas commencé ! L’arrivée de François Hollande à la Philharmonie de Paris bouleverse les codes. Avec lui, on applaudit le symbole d’un Etat fort face à la barbarie, avant une soirée d’inauguration qui est aussi dédiée aux victimes des attentats de la semaine dernière. « C’est la culture que les fanatiques veulent tuer, a rappelé le président dans son discours, car elle est insolente, irrespectueuse, libre, humaine. » Sans doute salue-t-on aussi l’Etat français qui a l’audace de construire un si beau bâtiment, une salle monumentale, « forcément trop chère » a commenté le président dans un sourire. Il n’élude pas le contexte particulier de cette ouverture : « Il y a toujours une controverse » autour des grands projets. Jean Nouvel, l’architecte de la Philharmonie, a d’ailleurs boudé la cérémonie. Son bâtiment n’est pas tout à fait fini ? Qu’importe ! Il l’est assez pour juger de l’essentiel : sa capacité à porter l’émotion musicale, à donner envie à tous d’écouter la magie de la grande musique.
Le concert commence dans l’humour : « Tuning up » d’Edgar Varèse est une petite pièce qui se moque des instruments de l’orchestre quand ils s’accordent. Premier constat : le son est extraordinaire de puissance. Le crescendo qui clôt la pièce secoue l’échine : l’excitation monte chez les 2400 spectateurs. Renaud Capuçon entre en scène pour « Sur un même accord », pièce pour violon et orchestre d’Henri Dutilleux. La démonstration est faite : l’acoustique puissante est aussi respectueuse de la voix du soliste. Le plus populaire des violonistes français offre un engagement profond, un timbre suave et une belle union avec l’Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi. Dans cette salle aux formes ondulées, le son semble descendre tel un oiseau qui viendrait se poser sur la scène en tournoyant. L’envol est le thème de cette construction sans pareille… La jeune soprano Sabine Devieilhe apparaît, et c’est la délicatesse qui enveloppe le public. Elle chante le « Pie Jesu » de Gabriel Fauré, extrait du Requiem, la messe des morts. Le chœur de l’Orchestre de Paris clame « Libère moi, mon Dieu » et l’on se souvient que la foi est aussi capable d’engendrer la beauté… On pense à cette phrase que le chef américain Leonard Bernstein prononça en réaction à l’assassinat de J.F.Kennedy : « Ce sera notre réponse à la violence : faire de la musique plus intensément, plus belle, plus dévouée que jamais. »
Philharmonie de Paris à 22h. Article paru dans Le Parisien du 15 janvier.
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[…] Depuis l’ouverture de La Philharmonie de Paris en 2015, les tensions étaient vives entre l’institution musicale et son architecte. Jean Nouvel avait même refusé d’assister à l’inauguration, prêt à renier la paternité du bâtiment qu’il ne jugeait pas finalisé selon ses idées. La Philharmonie de Paris réclamait 170 millions d’euros à l’architecte, en raison des surcoûts survenus lors du chantier et de pénalités de retard. Les travaux estimés en 2006 à 173 millions avaient finalement atteint les 386 millions… Dernier rebondissement de la saga, fin 2019, l’architecte Jean Nouvel avait déposé plainte pour « favoritisme, prise illégale d’intérêts, détournements de fonds publics, concussion, faux et usage de faux ». Ambiance… […]