FESTIVAL – Pour sa 76ᵉ édition, le Festival de Musique de Menton déroule le tapis céleste à un trio de haut vol : Renaud Capuçon, entouré de deux astres montants, Kian Soltani (violoncelle) et Mao Fujita (piano), illumine le parvis de la Basilique Saint-Michel Archange avec un programme dédié à Schubert et Brahms.
Harmonie des sphères
Une soirée étoilée s’annonce, au sens propre comme au figuré. Malgré une petite frayeur orageuse quelques heures avant le concert, le ciel se dégage. Sous sa voûte, les musiciens prennent place avec vue sur la mer, encadrés par les lumières scintillantes de la côte italienne au loin. Le décor, entre basilique et chapelle des Pénitents Blancs, offre une acoustique étonnamment généreuse, renforcée par l’orientation du piano, grand ouvert derrière les cordes (pour projeter le son vers le public).
Tout autour, lampadaires ornés de bougies, fleurs en arrière-scène, et une atmosphère douce, presque sacrée. Le silence se fait, puis la lumière fuse : les premières notes s’élèvent après un tonnerre d’applaudissements pour les artistes.
Schubert et Brahms, duo céleste
Le concert s’ouvre avec le Trio n°1 en Si bémol majeur D.898 de Schubert. D’emblée, la complicité saute aux yeux (et aux oreilles). Les trois musiciens semblent jouer dans la même orbite, partageant un souffle commun. Leurs gestes sont précis, leur écoute mutuelle évidente : phrasés suspendus, homogénéité vibrante, et ce don de faire durer les silences sans les remplir (pour ça, il y a le public, qui applaudit entre les différents mouvements).

Après une courte pause (le temps de boire un verre et d’admirer le Triangle d’été au-dessus de nos têtes), place au Trio n°1 en si majeur op.8 de Brahms. Le ton change : textures plus denses, tension dramatique. Mais les artistes ne se laissent certainement pas impressionner ! Précision rythmique, contrastes dosés, équilibre parfait : le ciel s’épaissit, mais la lumière passe toujours.
Trois étoiles
- Renaud Capuçon, fidèle à Menton, joue avec une intensité contagieuse. Dans les passages agités, il s’envole littéralement, soulevant les pieds autant que l’archet. Son jeu oscille entre virtuosité brillante et lyrisme habité, avec un phrasé d’une souplesse enveloppante. On sent le violon respirer avec lui.
- Kian Soltani ancre le trio avec une sonorité ample et une articulation fine. Il soutient, relance, dialogue, et dans ses solos, déploie une maîtrise expressive remarquable, comme s’il racontait une légende étoilée dans une langue mystérieuse. Son jeu allie intensité dramatique et sensualité du timbre, toujours en lien avec ses partenaires.
- Mao Fujita, discret en apparence mais lumineux dans chaque note, fait danser les arpèges avec une grâce cristalline. Son toucher léger, habité, est porté par une expressivité subtile, presque tendre. Une étoile lointaine qu’on croit timide, mais qui brille sans fin.
Un bis, et quelques sourires en prime
Le public, conquis, réclame un bis. Les musiciens offrent volontiers la Marche miniature viennoise de Fritz Kreisler. Kian Soltani, visiblement pris par surprise, présente l’œuvre dans un français hésitant mais charmant : « Mon français n’est pas très bon… ». Le public sourit et applaudit avec tendresse.
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Malgré quelques spectateurs un peu bavards (sans doute eux aussi transportés par les étoiles, à leur façon), la soirée s’achève sur une note de grâce. Musique d’exception, cadre magique, clarté douce, murmure des vagues… Ici, entre ciel, mer et pierre, la musique semble simplement avoir trouvé sa place naturelle.

