PORTRAIT par Yannick Foratier – A 30 ans, la jeune violoncelliste Olivia Gay sort de l’eau en éclaboussant les scènes et les platines avec intelligence et authenticité. Elle publie son premier disque, intitulé Horizon[s].
Horizon[s], le premier disque de la violoncelliste Olivia Gay, s’écrit avec un s entre crochets. Ce disque composé d’œuvres concertantes de trois compositeurs, Philippe Hersant, Peteris Vasks et Thierry Maillard, ressemble furieusement à cette artiste qui, sur scène, surpasse sa peur du grincement ou du plantage pour « prendre un peu de risque, celui qui caractérise la musique jouée en live ». Tout en conservant un son beau à toute épreuve.
Après l’avoir entendu au disque et au concert, nous avons rencontré cette jeune femme rayonnante et svelte qui commande pourtant à 10H du matin un chocolat plus viennois qu’une valse éponyme. Olivia Gay sait attirer l’attention mais chacune de ses phrases, qu’elle soit parlée ou musicale, crie son authenticité. Authenticité semble d’ailleurs être le compliment ultime dans sa bouche, compliment qu’elle attribue instantanément à Janine Jansens, violoniste qui représente la quintessence du musicien selon Olivia Gay.
Racontons cette musicienne « vivant pour la musique » en passant en revue trois coups d’archets qui sont autant de cordes à son arc.
Le détaché ou la musique en paysages
Contrairement à ce que son nom pourrait évoquer, le détaché est un mouvement d’archet doux, réalisé pour chaque note à exécuter. Lorsque qu’Olivia s’épanche sur les compositeurs qu’elle affectionne particulièrement, elle a un recours à une nature aimée et décrite fugacement, chaque horizon [sans s] étant dépeint dans un détaché rond et maîtrisé. Debussy devient assez classiquement aquatique – en cela Olivia lui ressemble, tant que l’eau incriminée provient d’un lac de haute montage, exactement là où se percherait, d’après Olivia, la musique de Peteris Vasks, compositeur letton mis en valeur dans son premier disque. Brahms s’ancre au contraire dans la terre et Messiaen se voit entouré d’une faune bigarée.
Le ricochet ou l’intelligence du répertoire
Le ricochet s’obtient par un rebondissement de l’archet sur les cordes, de manière contrôlée, pour interpréter une série de notes très rapides. Horizon[s] est un exemple-type de ricochet : si les trois compositeurs, Philippe Hersant, Pēteris Vasks et Thierry Maillard, se situent dans le même horizon temporel, leurs écritures sont très distinctes. Les réunir sur un même CD est ainsi cohérent mais osé. Si le pari est réussi, c’est que le tout est réalisé de manière très contrôlée, tant dans la préparation – Olivia Gay a pu s’entretenir avec chaque compositeur avant d’enregistrer – que dans la présentation. Cette intelligence se ressent également sur scène où Olivia n’hésite pas à juxtaposer tubes et raretés et même à chanter en poussant son archet dans un mouvement de ricochet ; effet garanti sur le public. Son prochain album, composé de sonates de Nicolaï Myaskovsky et de pièces de Prokofiev, semble s’élaborer dans la même veine.
Le legato ou la mélodie du violoncelle
Le legato consiste à réaliser plusieurs notes sur un seul mouvement d’archet, notes liées de manière uniforme. C’est un mouvement très mélodique, très utilisé pour une composition chantante et particulièrement apprécié par Olivia Gay. » Je chante en permanence » affirme-t-elle. Et cela s’entend, même lorsqu’elle n’utilise pas sa voix. Olivia est pourtant admirative de musiques » plus verticales tel que le jazz « , qui lui a appris à » savourer les harmonies « . On retrouve d’ailleurs cette influence dans Arckepek de Thierry Maillard, œuvre présente dans Horizon[s].
Au disque
Horizon[s], concertos de Philippe Hersant, Pēteris Vasks et Thierry Maillard, Olivia Gay, violoncelle, Orcheste Pasdeloud, Wolfgang Doerner, direction, Ilona Records, février 2018.
En concert
Retrouvez Olivia Gay le 18 mars 2018 à la Cathédrale de Belfort, en duo avec l’accordéoniste Basha Slavinska ou le 4 mai 2018 à Institut Hongrois de Paris.