Un amour de concert

CONCERT – L’Orchestre National du Capitole de Toulouse donne à la Halle aux Grains un concert dirigé par Petr Popelka et intitulé « L’amour masqué ». Il met à l’honneur le violoncelliste star Truls Mork à l’occasion du Concerto n°2 pour violoncelle de Chostakovitch. 

Amour masqué

Avec la Saint-Valentin et mardi gras dans la même semaine, il fallait trouver un programme de concert permettant de fêter les deux dans la même soirée… L’ouverture Carnaval pour commencer, qu’Antonin Dvorak composa en pensant au carnaval de Prague et créa juste avant son départ aux États-Unis. C’est aussi un petit clin d’œil au pays natal du chef invité de cette soirée. Et pour l’amour, pur et inconditionnel (avec quelques masques, carnaval oblige), Roméo et Juliette bien sûr. Le choix musical sur le couple de Vérone était large, and ze winner is : la suite du ballet de Prokofiev ! Enfin au centre du programme, une œuvre qui n’a pas grand rapport avec le carnaval ni avec l’amour (sinon celui unissant un soliste à l’orchestre) : le concerto n°2 de Chostakovitch.

Chostakovitch : vertiges de l’amour
Trus Molk © Morten Krogvold

De l’intimité au déchirement, des roucoulades fugaces à la rupture nette, les relations que Chostakovitch dessine entre le violoncelliste et l’orchestre dans son deuxième concerto pour violoncelle sont presque aussi complexes que celles d’un couple dysfonctionnel ! L’interprétation de ce soir transmet avec limpidité cette complexité et cette ambiguïté. Les musiciens s’effacent derrière la musique, y compris Truls Mork dont le jeu se caractérise par l’humilité. S’il se fait remarquer, c’est par l’intensité de l’obscurité qu’il dessine dans les moments de gravité, le vibrato qu’il utilise abondamment pour renforcer l’expressivité de son instrument, ou encore l’exactitude rythmique de ses réactions à l’orchestre.

Le jeu reste donc élégant jusque dans le rappel, épuré de tout grincement ou de tout excès de démonstration auxquels ce concerto ne se prête d’ailleurs pas du tout. Sa virtuosité est poignante dans les solos (le premier notamment) et les duos (avec le tambourin en particulier). Le son de l’orchestre est dense mais avec un volume calculé pour ne jamais couvrir le soliste. Ses arrêts et interruptions (par les coups de grosse caisse par exemple) sont nets. La synchronicité entre l’orchestre et le soliste est impeccable et ne subit ni latence ni anticipation. L’ensemble caractérise bien l’atmosphère ambivalente de cette musique, l’entrain cédant rapidement à l’obscurité voire à l’étrangeté (dessinée par les répétitions séquentielles de courts motifs) et réciproquement. 

Brûler le feu
Petr Pepolka © Khalil Baalbaki

Le tour de force de l’orchestre et de Petr Popelka est d’avoir tout au long de la soirée amené et maintenu le public dans les méandres des livrets des œuvres proposées. Petr Pepolka exprime ainsi son sens du théâtre. En particulier dans les extraits de la suite Roméo et Juliette (bien qu’interprétés dans le désordre) où l’on entend quasiment la voix des personnages au travers de l’orchestre. La solennité de la scène de Roméo sur la tombe de Juliette, la douceur des bois et des cordes éveillant progressivement la rue sont les exemples les plus marquants de l’intention théâtrale que porte Petr Popelka. Les auditeurs se retrouvent embarqués dans l’effusion carnavalesque dès la vivacité de la première mesure, amorcée sur les chapeaux de roues. Unité constante, modulation des volumes, changements rythmiques, fortissimo brillants, majesté du son : l’orchestre suit la volonté dramatique de cette interprétation.

Quelques passages notables :

  • Le duo cor soliste et violon solo (Jaewon Kim) de l’ouverture
  • Le magnifique dialogue initiant la scène du tombeau de Juliette
  • Le début de la sérénade matinale où le violon s’affirme accompagné des bois et des cordes pizzicato. 
À lire également : Saint-Valentin, méfiez-vous des classiques

L’orchestre à grand renfort d’amour, de musique et de carnaval coloré a donc conquis son public. Il est longuement applaudi à la fin du concert. Petr Pepolka fait lever tour à tour chacun des pupitres deux fois et il revient lui-même trois fois sur scène. Après un aussi franc succès, les toulousains espèrent en tout cas déjà le revoir collaborer l’orchestre du Capitole lors des prochaines saisons. 

Demandez le programme !

  • A. Dvorák – Carnaval
  • D. Chostakovitch – Concerto pour violoncelle et Orchestre n°2
  • S. Prokofiev – Suite du ballet Roméo et Juliette

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