COMPTE-RENDU – La compagnie Les Brigands remonte Yes ! de Maurice Yvain, avec la complicité du Palazetto Bru-Zane, et part en tournée en France et en Belgique jusqu’au 31 mars 2020. Un spectacle divertissant, à défaut d’être emballant.
Nous sommes dans les Années folles, dans le 16e arrondissement de Paris. Maurice Gavard, fils du roi du vermicelle, doit épouser Marquita Negri, riche héritière de Valparaiso. Ne souhaitant nullement renoncer à sa vie de patachon, Maurice propose à sa manucure, Totte – la seule qui sache situer Valparaiso au Chili -, de fuir avec lui en Angleterre pour l’épouser. Les mariages anglais n’étant – à l’époque – pas reconnus en France, il pourrait échapper au mariage prévu par son père et divorcer sans peine. Mais l’Amour s’invite à la fête, faisant valser les prévisions et les conventions sociales.
La galerie de portraits brossée par le librettiste Albert Willemetz est plutôt réjouissante. Clémentine, une fille de cuisine, cherche « un emploi, un p’tit coin tranquille ». Un épicier de la rue Saint Dominique lui dit : « mon enfant j’veux bien vous essayer, mais vous devrez nettoyer devant ma boutique. Tous les matins et tous les soirs, vous f’rez le trottoir ». Elle deviendra finalement chroniqueuse mondaine … pour la revue Poubelle !
Ou encore Roger, le coiffeur devenu chanteur à succès sous le pseudonyme Régor, « l’envers de son nom ». « Mais alors, ça fait Goret à l’endroit », lui rétorque Totte !
Sans oublier le valet de chambre César, qui souhaite être élu député communiste du 16e arrondissement … : « quand j’ai passé pendant des heures dans tous les coins l’aspirateur, j’aspire aussi à m’présenter dans mon quartier comme député, pour essayer d’balayer et de désinfecter L’Humanité ! »
Il y a aussi la jolie romance de Maxime, toute en « ou » : « dans notre hôtel en-dessous un air montait très doux jusqu’à nous. Était-ce le chant hindou, because I love you, ou So blue ? C’était charmant, c’était flou ».
Les fox-trots et autres one-steps de Maurice Yvain, au swing entraînant, sous-tendent habilement cette satire sociale assez perçante, faussement frivole et réellement féroce. L’usage inhabituel de deux pianos sur scène vient renforcer la pétillance et permet de jolies interactions entre les chanteurs/comédiens et les musiciens.
Malheureusement des coupes sauvages dans le livret font perdre le sens de l’intrigue. Les décors sont réduits à l’essentiel, en l’occurrence pas grand-chose, et les lumières donnent à l’ensemble un aspect souffreteux. Les neuf chanteurs et les trois musiciens déploient beaucoup de bonne volonté pour insuffler au spectacle l’énergie nécessaire.
C’est dommage car quelques trouvailles s’y glissent : Maxime se déplaçant sur scène dans le plus simple appareil, couvert seulement du plumeau de César, un changement de décor au son d’un Thérémin¹, un bar à cocktail dissimulant un vibraphone ou encore un percussionniste jouant du service à thé comme d’une batterie de jazz ! Mais voilà, les trouvailles ne font pas la trame. Ici viennent-elles tout au plus épicer un plat un peu fade.
Après Versailles, le spectacle se donnera à Besançon, Fréjus, Puteaux, La Rochelle, Dinan, L’Athénée-Louis Jouvet pour les fêtes, Vichy, Charleroi, Niort et Haguenau.
¹Le Thérémin est un des premiers instruments électroniques, inventé en 1920 par le Russe Lev Termen. Un oscillateur, équipé de deux antennes, combine deux ondes sonores pour créer un battement et fournir un signal audible. Une main commande le volume et l’autre la hauteur des sons, en se déplaçant dans l’air entre les deux antennes. Se déploie alors une mélodie rappelant la scie musicale ou les ondes Martenot.