COMPTE-RENDU – Le luthiste Thomas Dunford a choisi un théorbe, un grand luth, pour interpréter trois pièces iconiques de Johann Sebastian Bach au théâtre des Abbesses. Avec quelques surprises en plus….
Les jeunes musiciens baroques ont parfois des allures de dandy rock. Costume pincé et instrument sur le ventre, telle une guitare basse, Thomas Dunford est entré sur la scène du théâtre des Abbesses (Paris) le 15 janvier dernier, pour interpréter un programme Johann Sebastian Bach. Il avait choisi pour cela un théorbe, impressionnant luth à 14 cordes, doté de davantage de graves que celui avec lequel il se produit le plus souvent.
Prélude, allemande, courante… Les six mouvements de la première Suite pour violoncelle seul, arrangée par ses soins, se sont enchainés en guise d’entrée en la matière. L’oreille, peut-être trop habituée à entendre cette partition au violoncelle, n’a pas toujours retrouvé les notes là où elle les attendait.
Il est vrai que le théorbe, instrument à cordes pincées, ne permet pas de produire la même longueur de son que le violoncelle, à cordes frottées, et qu’il en découle parfois cette sensation de notes manquantes ou envolées trop rapidement.
Passé ce temps d’adaptation, on se laisse volontiers emporter par la cinquième Suite pour violoncelle seul, adaptée par Bach lui-même vers 1730. Et parfois, le musicien pose son visage contre le théorbe, à l’écoute des vibrations qui en émane, et on est ému par cette fusion entre l’homme et son instrument.

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Une chaconne hypnotique
Le programme s’est achevé par un tour de force avec la chaconne de la Partita pour violon n° 2, morceau présenté par Thomas Dunford comme « injouable au violon, et injouable au luth ». La tension est alors montée d’un cran dans la salle. Le musicien s’est concentré, le public a retenu son souffle.
Courte, comptant cinq mouvements soit environ treize minutes, la seule chaconne composée par Bach a donné lieu à une démonstration de virtuosité, la course des doigts de Dunford sur les cordes opérant comme une manœuvre hypnotique.
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Quand rock et baroque se rencontrent
Pédagogue et communicatif, l’instrumentiste aime profiter des intermèdes entre deux morceaux pour expliquer leurs caractéristiques et les défis qu’ils lui imposent. Complètement séduite, l’audience lui a facilement arraché un rappel. C’est ainsi qu’on a pu découvrir le timbre feutré de sa voix dans deux tubes de la musique anglaise, interprétés avec des accents baroques, même s’ils sont distants de plusieurs siècles : Come Again, de John Dowland (1563-1626) et une chanson « pré-Covid », Yesterday (1965). Quand on vous dit que les musiciens baroques sont des rockers.