COMPTE-RENDU – La saison musicale des Invalides propose cette saison un cycle de concerts commémorant la Guerre de Hollande (XVIIe siècle).
Quand on pénètre dans l’enceinte des Invalides un soir de février 2022, sous le regard d’imposants canons d’artillerie de l’époque napoléonienne, on ne peut s’empêcher de penser à l’actualité et aux menaces d’une guerre peut-être imminente aux frontières orientales de l’Europe. Mais, si, en 2022, l’Europe tremble face à la menace russe, en 1672, il y a 350 ans, c’était la France qui menaçait la paix en Europe.
Dans le cadre d’un cycle de concerts commémorant la Guerre de Hollande (1672-1678), menée par Louis XIV, qui souhaite à l’époque affirmer la domination française sur l’Europe occidentale et être l’arbitre des affaires européennes, la saison musicale des Invalides a proposé mardi 15 février un concert intitulé “Louis XIV, chef de guerre”.
L’ambition du programme, sous le haut patronage de l’ambassadeur de Norvège, est de retracer les “enjeux diplomatiques à travers une narration musicale allégorique”. Et là est le premier écueil du concert. Car si un livret d’accompagnement fournit aux auditeurs et auditrices une explication bienvenue des œuvres, il nous a manqué les paroles pour pouvoir comprendre réellement la progression narrative du concert.
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Musiques du XVIIe siècle
Contrairement à ce que le titre du concert laisse à penser, Louis XIV n’apparaît pas directement en chef de guerre, mais en creux, sous le prisme des musiques religieuses et de cour composées pour les souverains des pays de la Triple Alliance, c’est-à-dire les Provinces-Unies (aujourd’hui devenues les Pays-Bas), l’Angleterre et la Suède.
Le concert mène l’auditoire de “l’affirmation de la puissance royale de la Triple Alliance à son déclin à travers les codes allégoriques de la musique sacrée”. On est ainsi face à une sorte de best-of de musiques composées par des musiciens bien en cours au XVIIe siècle, mais qui en dehors de l’Anglais Henri Purcell (1659-1695) et de l’Allemand Dietrich Buxtehude (1637-1707), sont tombés dans l’oubli.
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Monotonie
Sur le papier, le programme est riche des raretés musicales. Mais la très grande proximité stylistique des œuvres, si elle permet une profonde cohérence, engendre aussi une certaine monotonie.
Malgré l’alternance entre des pièces festives comme le Quis hostis in coelis, composé par Christian Geist (1650-1711) pour rendre gloire au jeune roi de Suède Charles XI, et des pièces à la tonalité plus mélancolique et méditative comme le très beau Gesang voor een krijgsman op schiltwagt staende de Jacob Cats, le programme manquait de variété et de temps forts.
Pour capter l’attention des auditrices et auditeurs et faire vivre ce programme, on aurait pu espérer une interprétation pleine de précision, de cohésion, de couleurs et de mordant. Malheureusement, à la tête de l’Orkester Nord, Martin Wåhlberg n’est pas parvenu à donner une direction claire et forte aux musiciens, qui semblaient chercher à jouer ensemble. Quant aux solistes vocaux, on retiendra la performance engagée et dramatique du ténor néerlandais Jan van Elsacker.
En 2022, pour nous détourner d’un contexte anxiogène, il faudrait des propositions artistiques fortes. Celle-ci est une proposition qui a au moins le mérite de nous faire méditer sur les aléas des alliances diplomatiques dans l’histoire européenne.