COMPTE-RENDU – Depuis la Cité de la musique, Emmanuel Pahud et l’Ensemble intercontemporain ont convoqué la mémoire, la guerre, et la poésie sur scène dans un programme dédié à la flûte. Une soirée forte en émotions avec l’Ukraine en invitée surprise.
Hommage au père ! C’est Mémoriale (… explosante-fixe… Originel), une pièce de Pierre Boulez, cofondateur de l’Ensemble l’intercontemporain, en 1976, qui a ouvert la soirée du 11 mai à la Cité de la musique de Paris. Courte, environ cinq minutes, elle a plongé le public dans un état de conscience modifié par la grâce de la flute d’Emmanuelle Ophèle.
Le silence est parfois musical. Celui qui a suivi la note finale de cette composition de Boulez était presque palpable. Il a dominé la salle pendant quelques secondes, comme un souffle suspendu, celui du public et de l’instrument.
Passé cette introduction, le chef Matthias Pintscher a continué d’orchestrer une soirée consacrée à la flute et à la création contemporaine. Sa partition, Beyond (a System of Passing), avec Sophie Cherrier en soliste, propose d’articuler les notes tirées de l’instrument avec le souffle, audible, de la musicienne, et des tapotements de doigt sur l’instrument. Puis le programme est allé crescendo avec trois autres pièces, dont deux créations mondiales.
Quand la poésie et l’actualité se répondent
Concertino pour mezzo-soprano et orchestre de chambre d’Eric Montalbetti, est une mise en musique des poèmes Cavernes et Soleils, Visage I et Visage II d’Andrée Chédid. La mezzo-soprano ukrainienne Christina Daletska a remplacé Marianne Crebassa, initialement prévue au programme.
Il était difficile de ne pas penser à l’actualité internationale en écoutant ces mots de la poétesse d’origine libanaise : « L’homme s’éteint/Au creuset des voix/Qui clament sa mort/Détruit/Consommé/ Il tente de renaître. »
Ambassadrice d’Amnesty international, Christina Daletska, très émue, est revenue saluer, les épaules couvertes du drapeau de son pays, tandis qu’Eric Montalbetti la rejoignait sur scène.
Souvenir de Grèce
Mémoire encore et autre création mondiale que le N 37° 58′ 21.108 E 23° 43′ 23.27 Athens d’Irini Amargianati. Quoi de plus moderne qu’un point GPS pour titre ? La compositrice grecque, qui vit depuis longtemps à Berlin, a en effet trouvé l’inspiration dans le souvenir qu’elle garde d’un quartier d’Athènes. Sa musique devant faire rejaillir cette mémoire d’un temps passé. Il fallait au moins …un temps de silence… de Michael Jarrell, pour clore la soirée et ramener l’apaisement après toutes ces émotions, ce qu’Emmanuel Pahud a fait avec talent.