COMPTE-RENDU – L’intitulé du concert avait de quoi intriguer : Sacre électro Classique & Mix. Au programme : Le Sacre du printemps, de Stravinsky, suivi d’une création électro de JB Dunckel, digne représentant de la French Touch. L’occasion de se demander si le génie rythmique et orchestral de Stravinsky allait inspirer un Frenchie de la tech, 110 ans plus tard.
Mais où sont les neiges d’antan ?
Plus intriguant encore, l’intitulé du concert portait en sous-titre la mention « concert pour les moins de 28 ans ». Disciplinée, la rédaction de Classique mais pas has been avait envoyé, pour « couvrir » ce concert, une jeune rédactrice venant à peine d’achever ses études. Hélas, cette dernière, terrassée par un méchant virus, n’eut d’autre choix que de se faire remplacer en dernière minute par l’auteure de ces lignes, qui peut allègrement déclamer la Ballade des dames du temps jadis, de François Villon, et sa fameuse ritournelle « mais où sont les neiges d’antan ? ». Qu’à cela ne tienne, les portes du concert lui ont quand même été ouvertes et elle s’est installée dans un Auditorium de Radio France rempli d’une jeunesse frémissant à l’idée d’en prendre plein les oreilles.
Un immense cri de vie
Plein les oreilles, et plein les yeux aussi. Avec l’orchestre déployé pour le Sacre du printemps, tout d’abord : plus de 100 musiciens, dont 5 percussionnistes, 8 cornistes et 9 contrebassistes ! Tout ce petit monde étant dirigé avec énergie et précision par Alain Altinoglu, très à l’aise pour faire ressortir les individualités musicales tout en insufflant une dynamique extrêmement collective. Chaque écoute de cette œuvre rappelle avec force que, de ce jaillissement rythmique et de cette myriade sonore et rutilante est né, certes dans la douleur mais dans un immense cri de vie, la musique -et la danse !- du 20e siècle.
Un homme et une machine
Plein les yeux, ensuite, pour la deuxième partie de concert. En contraste total, c’est sur une scène vidée de ses musiciens qu’un jeune homme longiligne s’est avancé et a pris place sur un podium de 2 mètres sur 2, encadré de 4 poteaux lumineux, le tout dans une atmosphère nimbée de lumière rouge et d’effets de fumée. À l’opulence des moyens a répondu la sobriété des outils : un homme, une machine et des jeux de lumière. Mais quels jeux de lumières ! Dans le bel Auditorium de la Maison de la Radio, les projecteurs ont tracé de magnifiques lacis lumineux qui ont fait corps avec la musique générée par le synthétiseur Korg de JB Dunckel. Une musique chaloupée et sophistiquée, très fine rythmiquement, aux multiples strates et requérant avec agilité tout l’ambitus sonore, des extrêmes graves aux extrêmes aigus.
Flirtant avec le style psychédélique et le rock underground, il semblait vain de chercher, dans cette musique électro, une quelconque filiation avec le déferlement sonore qui s’était produit quelques minutes avant sur cette même scène. Tout au plus fallait-il se laisser porter, voire charmer, par ce moment de musique en sept séquences, dont les finesses percussives et les couleurs de sons dénotaient une parfaite maîtrise de ces nouveaux instruments de musique que sont les ordinateurs et les synthétiseurs.