DANSE – le chorégraphe Philippe Decouflé et sa compagnie DCA proposent en ce moment à la MC 93 (Bobigny) un spectacle rock et entraînant, Stereo. Le verbe, le son et le geste s’y mêlent intimement, pour un résultat puissant et talentueux.
Je vous parle d’un temps que les moins de 30 ans peuvent difficilement avoir connu : celui des Jeux olympiques d’hiver à Albertville, en 1992. La cérémonie d’ouverture, sans chauvinisme aucun, avait été une des plus belles jamais réalisées : poétique, festive, inventive, tenant à la fois du grand spectacle et de l’intime. On la devait à un jeune chorégraphe un peu pique la lune, Philippe Decouflé (soyez indulgents pour la qualité des images et des commentaires; c’était il y a 31 ans…) :
Peu après, en 1994, il donnait, avec Pascale Houbin, une version mimée, tendrissime et attachante, du Petit bal perdu de Bourvil :
Il faut dire que Decouflé a été formé aux arts du spectacle en général : cirque, mime, danse, musique… Ses spectacles sont pétris de ces différents arts, même si l’expression corporelle reste prépondérante.
L’énergie rock des années 80
Avec Stéréo, sa dernière création, il vient convoquer l’énergie rock des années 80 pour répondre à une envie de vitesse, de brillance, de virtuosité et d’énergie. Le dispositif plateau est assez simple : trois musiciens (un guitariste qui est aussi chanteur, une bassiste et un batteur), chacun sur son estrade, et cinq danseurs qui se déplient tout autour, en savants jeux de stries, croisements de lignes, reculs, tempi rapides ou lents…
La musique est brute, sauvage, même si très maîtrisée, et l’implication des danseurs est tout aussi engagée. Se succèdent alors différents tableaux, dont la tonalité générale est donnée par la sélection musicale (musiques des musiciens Arthur Satàn, Louise Decouflé et Romain Boutin, mais aussi Oh Darling des Beatles ou encore In Every Dream Home a Heartache, de Roxy Music). Certes, les danseurs dansent, mais ils chantent aussi, et on a davantage l’impression d’assister à une mise en corps d’une intention artistique, qui aurait été rendue possible par l’énergie créatrice générée par la musique.
Un esprit puissant de « vivre ensemble »
On assiste ainsi à de jolis pas de deux entre un danseur et la bassiste Louise Decouflé, ou encore à une superbe et improbable séquence de danse au ralenti sur talons archi-hauts. L’engagement et le talent des huit artistes sur scène sont vraiment impressionnants. Tous membres de la compagnie DCA, de Philippe Decouflé, il se dégage de leur « jouer ensemble » un esprit puissant de « vivre ensemble ». Ce malgré des individualités très marquées et revendiquées : maigreur ridicule et attachante de Baptiste Allaert en contraste avec le corps testostéroné et contorsionniste d’Aurélien Oudot ou encore beauté énigmatique et androgyne d’Éléa Ha Minh Tay venant se confronter à celle de Violette Wanty et son physique de ballerine.
Pour une bonne dose énergétique d’années 80 revisitées, avec une pointe de nostalgie, un soupçon d’acidité et beaucoup de talent et d’engagement, rendez-vous à la MC 93, métro Bobigny-Pablo Picasso, sur la ligne 5 du métro parisien !