COMPTE RENDU – Ce samedi 22 avril à 20h, le festival Beethoven de Beaune a accueilli le talentueux quatuor Chaos, tout juste grand gagnant du concours de quatuor à cordes de Bad Tölz, dans un programme fin et raffiné.
Qui aurait cru qu’un festival consacré à Beethoven s’installerait à Beaune dans le pays du vin ? Un clin d’œil à la ville natale homonyme du compositeur : Bonn ? Tentant… Pourtant le festival fête sa cinquième édition et invite, pour son concert du samedi, le quatuor Chaos composé des jeunes artistes autrichiens Susanne Schäffer (violon), Eszter Keuchiό (violon), Sara Mazradori (alto) et Bas Jongen (violoncelle), dont l’exigence tant technique que musicale captive immédiatement. Malgré une acoustique un peu sèche, la jolie salle de la lanterne magique fait entrer le public dans une bulle intimiste et lui propose un concert aux cinq étoiles. Au menu 100 % Beethoven : le quatuor op.18 n°2 (1798) et le quatuor op.130 (1826) avec sa Grosse Fuge finale, grandiose.
Délicate mise en bouche
Après un agréable discours donné par Sung-Won Yang avec un assaisonement parfait de rappels historiques et anecdotes croustillantes, le quatuor entre en scène. Le public est captivé dès les premières notes. Un silence complet accompagne les vingt minutes de musique du quatuor op.18 n2 en sol majeur. Le premier violon est largement mis en valeur, et si elle ne prend jamais le dessus, Susanne Schäffer s’impose par la précision de son jeu. Les dialogues musicaux permettent aux spectateurs d’apprécier les échanges de regards et la belle écoute entre les quatre musiciens. Le deuxième mouvement met à l’honneur le violoncelle, avec une ligne mélodique tendre et sentimentale portée par Bas Jongen. Enfin, le troisième mouvement plus animé, réveille le public avec des contrastes qui rappellent la délicatesse et l’humour de Haydn, maître du jeune Beethoven.
Dîner romantique
Construit en six mouvements, le quatuor Chaos offre une interprétation magistrale du célèbre op.130 en si bémol majeur. On y retrouve les influences de Mozart, mais également celle de Jean-Sébastien Bach et sa technique de la fugue, si chère à Beethoven. On ressent dans le premier mouvement, l’éloignement de l’esthétique classique avec cette alternance entre des phrases lentes lyriques et des phrases rapides virtuoses, construction alors nouvelle. Le quatuor Chaos va jusqu’au bout de ses choix avec un beau travail de couleurs et de nuances. Leur interprétation du 5ème mouvements est particulièrement tendre, lumineuse et précise.
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Fugue sur le gâteau
Apogée du concert, le public ressent un changement d’atmosphère dès les premières notes de la Grosse Fugue. Cette pièce emblématique de l’œuvre de Beethoven est marquante de complexité, de précision et d’intimité. A travers la superposition des quatre thèmes, le quatuor Chaos témoigne d’une concentration et d’une écoute tout à fait remarquables. Entremêlés à l’infini, les quatre instruments ne font plus qu’un et déroulent la fugue en un seul souffle.
En somme, même si on peut lui reprocher de ne pas assez prendre de temps entre les mouvements ou de manquer de liberté musicale à certains instants, ce jeune quatuor mérite bien le nom qu’il se fait depuis quelques années sur la scène internationale. Accueilli très chaleureusement par le public, il propose en bis une très belle interprétation du quatuor n°3 op.41 de Schumann. Depuis un silence chaotique, ils ont emporté les spectateurs avec eux pour petit à petit tout reconstruire ensemble.