FESTIVAL – Du 18 au 20 août, le Château de l’Hermitage à Condé-sur-l’Escaut ouvrait ses grilles pour trois jours de découverte, clôturés par les trois concerts de cette dernière journée. Heureux qui, comme le public, aura fait un beau voyage ; ou quand un château devient navire, pour une musique loin d’être bateau.
Bien que les concerts de ce bien-nommé Festival Embar(o)quement Immédiat aient tous lieu dans la rotonde déjà employée comme salle de bal et de concert au XVIIIe siècle, ils nous conduisent chacun dans un univers spécifique, nous faisant naviguer dans des eaux tantôt calmes et apaisantes, tantôt troubles et agitées.
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Embarquement en douceur avec l’Ensemble Belombre
Dès 11h, la rotonde du château prête l’acoustique idéale de ses parois courbées aux violes de gambe de Louise Bouedo et Garance Boizot, pour un concert intimiste, voguant sur des transcriptions de trois Suites signées Jacques Duphly (initialement pour clavecin). Les musiciennes s’en saisissent pleinement, enrichissant le son de leurs timbres et le brisant en arpèges telles les écumes se heurtant sur le bois de leurs coques-instruments. Un travail minutieux pour un pari réussi et un embar(o)quement chaleureux.
Clavecin à quatre mains et chaises musicales
La croisière s’amuse et se poursuit sous le signe de la tendresse et de la légèreté avec le concert familial “For two to play” : Marie-Anne Dachy et Julien Wolfs, mère et fils, font équipage et sont assurément dans le même bateau, se partageant gaiement le gouvernail sonore, passant de proue à poupe et de bâbord à tribord, chacun redisposant son siège en échangeant de place, une fois à gauche, une fois à droite l’un de l’autre, passant ainsi des graves aux aigus sur un clavecin de facture Jean-Luc Wolfs (époux et père). Les deux clavecinistes dialoguent ici avec la complicité qu’induit autant leur lien personnel que la petite taille du clavier, sur des Sonates de Johann Christian Bach (famille encore, et fameuse), Mozart, Daniel Gottlob Türk ou encore Louis Emmanuel Jadin. Si la synchronisation d’un doigté vif et sautillant à un autre plus appuyé n’est pas toujours évidente, elle se détache avec émotion dans les levées de poignets, les mains en flottement et les mouvements de tête passionnés.
Un débarquement intense et méditatif
Après cette joyeuse et touchante collaboration vient le temps plus brumeux et contemplatif d’un autre dialogue, cette fois religieux, porté par l’Ensemble Les Fous Divertissants. Retour ici à la terre ferme, enrichie d’un nouvel élément céleste. “Confluence entre Ciel et Terre” exprime deux extrêmes du sacré (intériorité et théâtralité) qui résonnent avec une force désespérée de naufragé dans le petit espace de la rotonde.
Sous le regard fier et rassurant de Mathilde Piganeau au clavier et à la direction, les artistes bal(l)adent le public entre drame et espoir, à travers les compositions de Marc-Antoine Charpentier et Guillaume Bouzignac.
“On vous propose de pleurer une dernière fois”, lance avec humour la directrice artistique, avant que l’Ensemble ne fasse retentir pour la seconde fois les Lamentations du Reniement de Saint Pierre (Charpentier encore, évidemment). De quoi faire pleurer à verse…
Ainsi s’achève un bouleversant concert, qui marque avec force la fin d’un festival hors du temps. Le public repart de ce lieu privilégié, amarré de mélodieux souvenirs, armé en soutes d’un bagage musical supplémentaire.