CONCERT – Le Festival Ravel en Pays Basque accueillait l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, dans l’église Saint-Jean-Baptiste, à Saint-Jean-de-Luz. Suite à la démission de Gustavo Dudamel, c’est Semyon Bychkov qui est venu diriger ce programme consacré à Antonín Dvořák, avec comme œuvre principale sa 9e symphonie, dite « du Nouveau Monde ».
Un cadre de choix
Le concert s’est déroulé dans l’église Saint-Jean-Baptiste, en plein cœur de Saint-Jean-de-Luz. Le sanctuaire, rénové au XVIIe pour accueillir le mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse d’Espagne présente une acoustique rare pour une église. Pour cause : les murs calfeutrés en bois, grâce aux trois étages de galeries qui permettent d’accueillir un public nombreux. Le retable baroque fait son petit effet en guise de fond de scène de luxe. Seule ombre au tableau : on entend le moindre bruit de l’assistance (toussotements, pages du programme qui se tournent, grincements des sièges), ce qui incite le chef à faire de longues pauses entre chaque morceau, le temps qu’un vrai silence s’installe.
Deux ouvertures symphoniques en préambule
C’est avec deux ouvertures de concert que débute le programme « Dvořák ». Les deux œuvres sont tirées d’un triptyque : Carnaval, Dans la Nature, et Otello créé en 1892, l’année-même du départ du compositeur pour l’Amérique. Seuls les deux premiers volets ont été joués ce soir. Dès les premiers accents de danse effrénée du Carnaval, on est frappé par la densité sonore de l’orchestre, mené par un pupitre de cordes particulièrement dynamique, qui donne à tout crin dans le lyrisme bohémien, propre au compositeur tchèque. Dans la pièce suivante, Dans la Nature, les contrastes majeurs-mineurs, entre ombre et lumière, sont admirablement brossés. La fièvre romantique s’installe. La puissance dramatique brillamment maîtrisée de ces deux pièces laisse augurer de belles surprises sur le morceau suivant, enchaîné sans pause : la fameuse symphonie du Nouveau Monde.
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Embarquement pour le Nouveau Monde
C’est dommage de ne pas avoir pu entendre ce qu’un américain (du Sud !) comme Gustavo Dudamel aurait pu apporter à la célèbre symphonie de Dvořák. Mais son remplaçant Semyon Bychkov ne démérite pas : il peut faire valoir sa connaissance du répertoire d’Europe centrale, acquise à la tête de l’orchestre philharmonique tchèque, qu’il dirige depuis 2018. Parfaitement francophone, sa connivence avec les musiciens s’est fait sentir. Par ailleurs, n’oublions pas qu’il est lui-même américain depuis sa naturalisation en 1983.
L’entrée des vents sur le premier mouvement pose l’atmosphère de ce nouveau monde, dans un tapis sonore soyeux, et un fourmillement harmonique. La timbale est bien présente, puissante, théâtrale. Les cuivres sont éclatants. On s’appesantit peut-être un peu sur la joyeuse mélodie en majeur, jouée assez lente. Disons que ça laisse tout le temps de l’apprécier !
Le deuxième mouvement est emmené par un pupitre de bois au son chaud et riche. L’expressivité atteint son comble sur le tempo de marche funèbre accompagné par les pizzicati, avant l’envolée du thème au cor anglais dans un élan lyrique saisissant. Le troisième et quatrième mouvements résonnent ensuite avec une fougue enflammée, emplissant l’église. Les éclairages de scène rouges projetés sur le retable participent au show.
Le public luzien est debout pour saluer. Le chef et l’orchestre accordent un bis : l’intermezzo de la Cavaleria Rusticana de Pietro Mascagni, subtilement jouée par les cordes. Au sortir de la salle, l’enthousiasme est perceptible et les spectateurs ne tarissent plus d’éloges.