AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - InstrumentalJulius Asal : Shakespeare lui va si bien

Julius Asal : Shakespeare lui va si bien

COMPTE-RENDU : Au festival Piano Jacobins de Toulouse, le pianiste Julius Asal déroule un programme consacré aux compositeurs amorçant le vingtième siècle. Son style de jeu passionné fait un parfait écho au drame shakespearien Roméo et Juliette auquel il fait honneur via les transcriptions du célèbre ballet éponyme de Sergei Prokofiev. Elles sont complétées d’une sélection des Préludes de Debussy, d’un Nocturne de Louis Durey et de pièces de Rachmaninov. 

La fougue de Mercutio
« La peste soit de vos deux maisons »

Vêtu d’une longue chemise près du corps agrémentée de larges mailles mettant en valeur sa silhouette élancée, chaussé de vernies pour une touche de chic, Julius Asal fait son entrée. Il se met très vite au clavier sans cérémonial superficiel et accroche l’auditeur dès la première note des transcriptions de Roméo et Juliette qu’il interprète de façon libre et débridée. Comme notre personnage shakespearien, sa force vitale brute anime la partition de tous ses éclats et en fait ressortir toutes les saveurs, non sans la malmener un peu. On vit ainsi tous les grands moments du ballet dont l’incontournable danse des chevaliers. Les cassures rythmiques sont marquées, de même que les contrastes de volumes. Les tempi sont vifs ou fluctuants. Aucun temps mort ne survient entre ou à l’intérieur des morceaux, maintenant ainsi le public en haleine. Il bat le clavier comme Mercutio croise le fer : avec passion. Heureusement, rien de funeste ici pour notre pianiste : sa fougue est tempérée par la connaissance des œuvres qu’il présente. 

La sagesse de frère Laurent
« Le sépulcre de la mort renferme aussi le germe de la vie. »

Le jeu de Julius Asal puise en effet sa richesse dans l’étude des compositions qu’il nous fait entendre. Soulignons d’ailleurs sur ce point qu’une bonne partie des transcriptions de Roméo et Juliette qu’il interprète ont été produites par lui-même. On remarque un vrai souci de continuité dramatique dans les morceaux du ballet, notamment par l’alternance de morceaux plus calmes entre les plus impétueux, et surtout l’attention portée aux leitmotivs qui donnent les clefs de chaque scène. On peut ainsi quasiment se repérer dans l’action (bien que l’ordre du programme ne suive pas la chronologie du ballet). La fine étude des œuvres et la compréhension artistique qui en découle se retrouve également dans le reste du programme. Dans les préludes de Debussy, et en particulier la Cathédrale Engloutie, Julius Asal fait retentir avec force et solennité les magnifiques cloches. L’entrainement voire l’aguerrissement plus technique du pianiste se retrouve dans l’agilité des préludes de Rachmaninov ou encore les jeux de nuances dans les préludes de Debussy. Une maitrise technique qui s’associe à la sensibilité de l’artiste, et sublime l’interprétation. 

À lire également : Peut-on encore aimer Roméo et Juliette ?
La sensibilité des deux amants
« Il me vaut mieux perdre la vie par la haine que mourir lentement sans ton amour. »

S’il partage avec Roméo et Juliette la jeunesse (et une racine étymologique pour Juliette), il en a aussi la pureté des sentiments. Peut-être que, comme pour nos deux amants maudits, cette expressivité recouvre et se nourrit d’un vécu plus profond. L’âme du lieu contribue aussi à conférer au jeu de Julius Asal une certaine mystique que l’on pourrait comparer à celle du dernier acte de la pièce. La salle capitulaire du couvent des Jacobins dont les couleurs ressortent de la pénombre sous l’effet des projecteurs est un endroit idéal pour cristalliser les passions du jeu de Julius Asal, comme le mausolée des Capulets (que l’on peut se perdre à imaginer assez semblable) cristallise et engloutit à jamais celles des deux amants. 

Après le concert et deux rappels, Julius Asal salue son public avec humilité. Il est récompensé par de chaleureux applaudissements. Après une pause pour souffler un peu, il se propose de dédicacer son premier (et à l’heure actuelle unique) album dédié entièrement au compositeur Sergei Prokofiev. La majeure partie de cet album est d’ailleurs consacrée à des transcriptions de… Roméo et Juliette !

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